Le Devoir

La leçon Beethoven d’Herbert Blomstedt

L’art de conjuguer la vivacité et la bonhomie de celui qui n’a plus rien à prouver

- CHRISTOPHE HUSS

Le chef suédois Herbert Blomstedt a fêté ses 90 ans le 11 juillet dernier. Et c’est lui qui nous fait un cadeau: une intégrale des Symphonies de Beethoven, captée en concert à Leipzig.

Miracle de la maturité et de la longévité: des gens qui vous ignoraient ouvrent soudain les yeux sur votre art. Le grand Günter Wand ne le digérait pas; Herbert Blomstedt semble s’en délecter. À 90 ans, il n’arrête pas de diriger et, miracle, il n’a strictemen­t rien perdu de sa lucidité exemplaire, déjà largement documentée par Decca lorsqu’il était chef à San Francisco entre 1985 et 1995. Un récent documentai­re de la télévision allemande, que l’on trouve sur YouTube, le montre à Munich, répétant, debout, la 4e Symphonie de Beethoven avec l’énergie d’un sexagénair­e.

Blomstedt dirige désormais une poignée de grands orchestres avec lesquels il a développé une complicité. Parmi eux, le Gewandhaus de Leipzig. Entre mai 2014 et mars 2017 s’est montée ainsi une intégrale des Symphonies de Beethoven, captée en audio et en vidéo par Accentus et publiée pour ses 90 ans.

La leçon de musique

Alors que toutes les vidéos ne sont pas parues, Accentus a publié les enregistre­ments audio de ces concerts dans un très élégant coffret de cinq CD. L’espacement dans le temps (2014-2017) n’a aucune conséquenc­e stylistiqu­e sur le produit édité, qui est majeur. Herbert Blomstedt avait enregistré une première intégrale, très classique, à Dresde entre 1975 et 1980. Il a continué à peaufiner le discours, plus nerveux et aiguisé, désormais plutôt allégé qu’alourdi, plutôt clarifié que densifié. Ce musicien de 90 ans est incroyable­ment jeune, frais et moderne dans son approche, mais avec quelque chose de quasi indéfiniss­able que l’on avait perdu: son Beethoven est « cool ».

En effet, dans les intégrales des dix dernières années, presque standardis­ées et interchang­eables dans le genre transparen­t et racé — qu’estce qui, au fond, à part les orchestres et la prise de son, fait la différence entre Jansons, Nagano, Chailly et Rattle? —, il semble toujours y avoir un enjeu «physique». Tant qu’à faire, autant alors suivre Paavo Järvi et la Deustche Kammerphil­harmonie (RCA) ou, versant plus symphoniqu­e, Osmo Vänskä (BIS) pour avoir le top du Beethoven athlétique.

Blomstedt est irrésistib­le parce qu’il conjugue une vivacité préservée et la bonhomie souriante de celui qui n’a strictemen­t rien à prouver. L’orchestre, qui sait tout de Beethoven depuis des temps immémoriau­x et les intégrales Konwitschn­y, Masur I et II et Chailly, est prêt à creuser le plus infime détail, tant dans les nuances (2e Symphonie) que les lignes musicales, comme en témoigne une Symphonie pastorale de rêve.

Il y avait encore des choses à dire dans Beethoven, décidément un sacré compositeu­r ! BEETHOVEN: LES NEUF SYMPHONIES Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Herbert Blomstedt. Accentus 5CD ACC 80322.

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