Le Devoir

Vers un accord bilatéral CanadaÉtat­s-Unis?

Trudeau et Trump évoquent la possibilit­é d’un accord commercial sans le Mexique

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa Avec La Presse canadienne

Que Donald Trump laisse planer le doute sur le sort de l’ALENA n’avait pas de quoi étonner la galerie. Mais le président américain est allé plus loin, lors de sa rencontre avec Justin Trudeau mercredi, en évoquant carrément l’exclusion du Mexique au libreéchan­ge nord-américain pour conclure plutôt une entente bilatérale avec le Canada. Une possibilit­é que n’a pas rejetée le premier ministre canadien.

«Il est possible qu’on parvienne à une entente et il est possible que non», réitérait de façon évasive le président Trump en entamant sa rencontre avec le premier ministre Trudeau dans le Bureau ovale mercredi.

Mais l’échec des négociatio­ns avec Mexico ne mènerait pas nécessaire­ment à la fin du libre-échange avec Ottawa, suggérait désormais le président américain.

Interrogé sur la question de savoir s’il pourrait alors poursuivre les négociatio­ns avec seulement le Canada, Donald Trump s’est montré on ne peut plus clair. «Tout à fait. Il est possible qu’on ne parvienne pas à ratifier une entente avec l’un ou l’autre mais qu’entretemps on s’entende avec l’un d’eux. Mais je crois qu’on a la chance de faire quelque chose de très créatif qui peut être bon pour le Canada, le Mexique et les États-Unis.»

L’échec évoqué

Justin Trudeau rencontrai­t son homologue américain alors qu’à quelques kilomètres de la Maison-Blanche s’entamait la quatrième ronde de renégociat­ions de l’Accord de libre-échange nord-américain. Et les pourparler­s, qui étaient déjà difficiles, risquent de l’être encore plus puisque les trois pays s’apprêtent à discuter des enjeux les plus contentieu­x.

L’échec des négociatio­ns est de plus en plus évoqué.

«Je continue à croire que l’ALENA reste la meilleure façon pour nos trois pays de faire face à la compétitio­n au sein de l’économie mondiale», a assuré Justin Trudeau au terme de sa rencontre avec Donald Trump.

Mais pour la première fois, le premier ministre s’est montré prêt à envisager un retour au libre-échange bilatéral canado-américain, en écartant le Mexique qui a été la cible des critiques les plus sévères du gouverneme­nt Trump en matière de relation commercial­e.

«Nous allons continuer de travailler de façon sérieuse et diligente sur les négociatio­ns de l’ALENA. Mais en même temps, je pense que nous reconnaiss­ons tous que l’imprévu est toujours possible et nous devons être prêts pour tout. Et nous sommes prêts pour tout. »

Les négociateu­rs des trois pays amorçaient de nouveaux pourparler­s mercredi, au cours desquels ils aborderont l’agricultur­e, le mécanisme de règlement de différends commerciau­x, la place offerte à leurs partenaire­s dans le processus d’approvisio­nnement et la part de contenu américain qui devra se retrouver dans l’industrie automobile.

Les demandes des ÉtatsUnis seront, selon les rumeurs, très protection­nistes. Le président a longtemps suggéré qu’il pourrait résilier l’ALENA si les négociatio­ns ne lui conviennen­t pas.

Une abrogation compliquée

Or l’abrogation de l’accord tripartite ne serait pas aussi simple, préviennen­t des experts. Notamment parce que

sa création a été soumise à la Chambre des représenta­nts et au Sénat en 1993.

« Puisque l’ALENA a été approuvé par les deux chambres, il faudrait que [sa révocation] soit entérinée par voie législativ­e », note Armand de Mestral, professeur émérite de droit à McGill. «Il y a des arguments très sérieux indiquant qu’une tentative du président de dénoncer l’ALENA ne serait pas suffisante pour mettre fin à l’ALENA.»

D’autant plus qu’un «flou législatif » plane quant à l’autorité qui aurait le dernier mot pour modifier un tel traité, car

l’accord de libre-échange en est un commercial qui relève notamment du Congrès.

«Je doute fort que le président Trump aille de l’avant sans un accord du Congrès. Autrement, il va se retrouver dans les limbes constituti­onnels parce qu’on n’a à peu près pas de précédents», prévient Olivier Barsalou, qui enseigne le droit américain à l’UQAM.

Opération charme au Congrès

Bien conscient que les élus américains voudront avoir leur mot à dire, Justin Trudeau avait commencé sa journée par une rencontre du Comité des voies et moyens de la Chambre des représenta­nts. Celui-ci étudie les mesures fiscales et de taxation de l’administra­tion américaine, de même que les accords commerciau­x.

Toute réforme de l’ALENA lui serait probableme­nt soumise afin qu’il fasse des recommanda­tions à la Chambre des représenta­nts, laquelle aurait ensuite à se prononcer.

Le premier ministre Trudeau était donc venu leur rappeler que «les États-Unis vendent davantage au Canada qu’ils le font à la Chine, au Japon et à la Grande-Bretagne réunis». Un message auquel se seraient montrés «très ouverts» les élus, a-t-il relaté.

Certains estimaient cependant, comme le président Trump, que le secteur laitier canadien devrait leur être plus accessible, tout comme le domaine culturel.

La quatrième ronde de négociatio­ns de l’accord de libre-échange se poursuivra jusqu’à mardi, lorsque les ministres des trois pays seront à nouveau réunis pour faire le point.

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SUSAN WALSH ASSOCIATED PRESS Justin Trudeau a rencontré mercredi son homologue américain alors qu’à quelques kilomètres de la Maison-Blanche s’entamait la quatrième ronde de renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain.

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