Le Devoir

La chronique de Michel David.

- MICHEL DAVID

Quand Raymond Bachand avait proposé la nomination d’un ministre responsabl­e des relations avec la communauté anglophone, durant la course à la succession de Jean Charest, Philippe Couillard s’y était vivement opposé, tout comme Pierre Moreau. «Cela créerait des divisions au Québec sur le plan linguistiq­ue, avait déclaré le futur chef du PLQ. Je ne suis pas sûr que la communauté anglophone elle-même désire avoir un ministre.»

Qu’elle le désire ou non, elle en aura un dans la personne de Kathleen Weil, qui avait été directrice des Affaires juridiques à Alliance Québec dans une vie antérieure.

Le premier ministre est un homme aux sincérités successive­s, qui a démontré sa remarquabl­e capacité à modifier ses positions selon ses intérêts du moment. À un an de l’élection générale, ceux du PLQ exigent manifestem­ent une exception au principe d’unité qu’il invoquait à l’époque. Maintenant que la menace d’un référendum s’est éloignée, M. Couillard craindrait-il que sa clientèle anglophone se permette une infidélité? Son jupon électoral dépasse un peu trop.

Quand il avait décidé de confier les ministères de l’Éducation et de la Famille à un même titulaire, M. Couillard avait plaidé de façon très convaincan­te les avantages de placer sous la même autorité l’ensemble du système scolaire, de la garderie au secondaire.

Sébastien Proulx lui a donné raison depuis sa nomination. Sous sa houlette, les deux ministères ont manifesté une unité d’action qui faisait cruellemen­t défaut auparavant. Malheureus­ement, cette double responsabi­lité lui aurait laissé peu de temps à consacrer à ses nouvelles fonctions de ministre responsabl­e de la région de Québec, qui sera le théâtre principal de la grande bataille avec la CAQ.

Avec la nouvelle recrue Véronyque Tremblay, dont le poste de ministre déléguée aux Transports est taillé sur mesure pour préparer le terrain électoral dans la capitale, M. Proulx pourra former un redoutable tandem.

En principe, les mêmes impératifs électoraux auraient dû entraîner le déplacemen­t de Gaétan Barrette, qui est certaineme­nt le ministre le plus controvers­é, pour ne pas dire le plus détesté de son cabinet. Si la situation du réseau de la santé s’est améliorée autant que M. Couillard a tenté de le faire croire dans son discours, on se demande bien pourquoi il a tenté de convaincre M. Barrette de déménager aux Transports.

Un remaniemen­t ministérie­l est toujours un casse-tête. Ils étaient nombreux, particuliè­rement dans le milieu juridique, à souhaiter le départ de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Encore fallait-il lui trouver un successeur adéquat.

Être avocat est un prérequis pour occuper ce poste, et les avocats ministrabl­es n’étaient pas légion. Le passé démontre qu’il est risqué d’y nommer un néophyte. L’expérience de Kathleen Weil à la Justice a été trop douloureus­e pour donner l’envie de la renouveler. Jean-Marc Fournier aurait toujours pu reprendre du service, mais le premier ministre ne pouvait pas se passer des services de son plus fidèle lieutenant.

Pierre Moreau aurait certaineme­nt fait l’affaire, mais l’approche de l’élection le rendait lui aussi plus utile ailleurs. Aux Ressources naturelles, il pourra mettre ses talents de politicien à contributi­on avec moins de retenue qu’à la Justice. Maintenant que l’essentiel du sale travail est fait au Conseil du trésor, l’aimable Pierre Arcand saura très bien gérer l’abondance.

Former un cabinet d’élection peut quand même avoir des effets heureux. L’insistance sur le mot «intégrité» dans l’appellatio­n du nouveau ministère qu’on a bricolé pour Robert Poëti est un peu lourde, mais on peut espérer que ce revenant contribuer­a non seulement à redorer l’image du gouverneme­nt, mais aussi à assainir les processus d’octroi des contrats publics.

Aux yeux de plusieurs, la nomination d’André Fortin aux Transports constitue la plus grande surprise du remaniemen­t. Il est vrai que des titulaires plus aguerris s’y sont cassé les dents, mais le simple fait que M. Fortin s’en occupera à temps plein constitue déjà une bonne nouvelle et on imagine difficilem­ent qu’il puisse faire pire que Laurent Lessard, nettement plus à l’aise à l’Agricultur­e.

Luc Fortin est un bon choix à la Famille. Il est simplement regrettabl­e de voir quitter le ministère de la Culture un homme qui a manifesté dans le dossier de Netflix une déterminat­ion dans la défense de la création culturelle québécoise à laquelle ses prédécesse­urs ne nous avaient pas habitués.

Isabelle Melançon et Marie Montpetit contribuer­ont elles aussi à ce vent de fraîcheur dont les libéraux ont cruellemen­t besoin après 15 ans de pouvoir, mais il est difficile de comprendre pourquoi on a tenu à inverser les rôles. Tout dans le passé de Mme Melançon la destinait à la Culture, comme celui de Mme Montpetit l’avait bien préparée à l’Environnem­ent.

Si M. Couillard a pour principe qu’il est bon de sortir un ministre de sa zone de confort, le cas de Gaétan Barrette démontre à quel point sa géométrie est variable.

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