Hanganu, au service d’une architecture d’avenir
Dan S. Hanganu s’est éteint le 5 octobre. C’était un architecte hors du commun. Les nombreux projets qu’il a réalisés continueront heureusement à procurer de la satisfaction aux usagers, à animer des paysages et certains serviront de modèles pour l’avenir. Bref, il laisse tout un héritage.
Originaire de Roumanie, Hanganu s’est installé à Montréal dans les années 1970, à l’époque où l’architecture dite «moderne» était dominante. Obsédée par «la forme suit la fonction », cette architecture disciplinaire était insensible aux paysages existants. Si elle a produit des édifices remarquables, telles la Place VilleMarie et la Tour de la Bourse, chacun pourrait être transplanté cependant comme un totem dans n’importe quelle autre ville. La production architecturale de Hanganu s’avère totalement différente. Que ce soit le Musée d’archéologie et d’histoire Pointe-à-Callière, le complexe Chaussegros de Léry voisin de l’hôtel de Ville, la bibliothèque de droit de l’Université McGill ou la bibliothèque Marc-Favreau, chaque bâtiment est fort bien intégré aux paysages urbains environnants tout en portant la signature personnelle de l’architecte.
Comme il l’a fait lors de la réalisation de l’église abbatiale de Saint-Benoît-du-Lac, Hanganu ne s’imposait pas comme un architecte «maître de tout». Cherchant à bien répondre à leurs demandes, il échangeait patiemment avec les futurs usagers, au risque d’avoir à modifier ses plans. À l’occasion, il participait même à la construction du bâtiment pour tester certaines solutions, comme ce fut le cas avec cette église abbatiale.
Décrié au départ
Mais c’est son projet de l’École des hautes études commerciales (HEC) qui s’avère aujourd’hui le plus porteur d’enseignements pour l’avenir. Car il a ouvert la porte à une approche interdisciplinaire permettant de répondre à diverses attentes en parallèle à partir d’un même projet d’architecture.
Décrié au départ par les Amis de la montagne et Héritage Montréal, qui dénonçaient l’abattage d’arbres, critiqué par les résidants du secteur qui craignaient l’accroissement de la circulation automobile, une fois construit, l’édifice fut comparé à la centrale nucléaire de Tchernobyl en Russie et a reçu… un prix citron. Or l’histoire nous apprend que nombre de réalisations architecturales qui ont été rejetées au départ, à l’exemple de la tour Eiffel, sont devenues par la suite des modèles, la population s’en étant approprié. C’est ce qui s’est produit avec ce pavillon de HEC.
Terminé en 1996, l’immeuble est considéré aujourd’hui comme le plus convivial de tous les pavillons de l’Université de Montréal. Structurant d’une façon magistrale le territoire, sa présence du côté du chemin de la Côte-Sainte-Catherine n’échappe pas à l’attention. À l’intérieur, l’édifice est fonctionnel, très confortable et fort lumineux, vivant au rythme des saisons, notamment grâce au contact avec le boisé voisin et à son vaste jardin d’hiver vitré sur trois étages.
Comme l’avait promis la direction de HEC, la nature a été réintroduite dans l’îlot sous la forme d’un aménagement paysager accueillant qui assure des parcours agréables entre divers points d’entrée et la station de métro de l’Université de Montréal. En parallèle, grâce à l’intervention de la Ville, la circulation automobile a nettement diminué dans les rues résidentielles du secteur. Enfin, cet aménagement d’ensemble constitue une contribution significative au patrimoine de l’arrondissement historique et naturel du Mont-Royal, car cet arrondissement n’a pas qu’une valeur naturelle, il est aussi doté de valeurs matérielles et immatérielles.
Pour bonifier la formation de nouveaux architectes au Québec, il serait souhaitable d’intégrer aux programmes d’enseignement un cours basé sur la vision de l’architecture de Dan Hanganu, accompagné de visites de ses oeuvres sur le terrain.