Le Devoir

CHUM–CHU SainteJust­ine : Québec doit revenir sur sa décision

- DR NORMAND LAPOINTE Retraité, professeur titulaire de l’Université de Montréal, pédiatre, immunologu­e au CHU Sainte-Justine

Bravo au Devoir, qui a permis de révéler le véritable fondement de la décision de fusionner le conseil d’administra­tion et la direction générale du CHUM et du CHU Sainte-Justine. Il s’agissait, a-t-on appris, de remplir une condition posée par le directeur général Fabrice Brunet pour accepter, en septembre 2015, la direction du CHUM se trouvant sans directeur général à la suite d’une crise opposant le ministre de la Santé à l’ex-p.-d.g. Jacques Turgeon. Le Dr Brunet, a-t-il expliqué, ne voulait pas « laisser Sainte-Justine ».

Une blague douteuse

En comparaiso­n de cette admission, la raison invoquée officielle­ment — c’est-à-dire la transition de la médecine pédiatriqu­e vers la médecine adulte — n’est plus qu’une blague douteuse. Ce prétexte ne peut absolument pas constituer un motif de poids pour poser un geste aussi majeur que de fusionner à jamais le conseil d’administra­tion et la direction générale des deux établissem­ents. Le CHU Sainte-Justine est le seul hôpital pédiatriqu­e autonome au Québec et le plus important centre hospitalie­r universita­ire mère-enfant au Canada, et il nécessite une gouvernanc­e complète et cohérente pour réaliser sa mission spécialisé­e et non pas figurer dans la liste des sujets d’un conseil d’administra­tion et d’une direction à temps partiel ou accaparés par les problèmes complexes du CHUM.

Autre fait à souligner, le ministre, placé sur la défensive par l’animateur Paul Arcand, affirmait le 18 septembre que la fusion du conseil d’administra­tion et de la direction générale du CHUM et du CHU SainteJust­ine était prévue «depuis le début » et que la vacance au poste de p.-d.g. du CHUM n’avait été que « l’occasion de la faire ». Ces propos ont certaineme­nt provoqué un sursaut d’agitation chez ceux qui défendent l’autonomie du CHU Sainte-Justine. Le ministre révélait, ce faisant, que le projet de loi no 10 avait été une sorte de canular en ce qui a trait à la gouvernanc­e autonome promise pour Sainte-Justine et que son dessein était de passer la fusion des conseils et des directions générales en catimini quelques mois plus tard. Dans ce contexte, comment peut-il demander aux gens d’accorder de la valeur aux assurances qu’il offre concernant la part résiduelle d’autonomie de Sainte-Justine ?

Le fait qu’on n’ait pas trouvé de meilleures raisons à invoquer et que l’on s’empêtre dans les contradict­ions est en soi une preuve du peu de fondement rationnel de la décision originelle. Quiconque a un peu d’expérience dans les affaires humaines a bien compris que c’est la condition posée par le Dr Brunet qui se situe au coeur de l’affaire. Depuis le début, cette décision se cherche une raison. Malheureus­ement, elle n’est pas parvenue à s’en trouver une qui soit valable.

Le gouverneme­nt se doit de retrouver l’aplomb nécessaire pour reconsidér­er son orientatio­n et relancer solidement le CHU Sainte-Justine sur son élan. Cela serait d’autant plus normal qu’il n’y perdra aucun point politique, car l’attachemen­t de la population au CHU Sainte-Justine est grand et la population sait qu’elle peut compter sur cette grande institutio­n. Aucune décision positive à son égard ne sera mal venue, fût-elle tardive.

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