Le Devoir

On devrait augmenter les impôts des plus riches, estime le FMI

- ÉRIC DESROSIERS

Aux prises avec un creusement des inégalités de revenus, les pays développés pourraient augmenter leurs impôts des plus riches sans craindre de nuire à leur croissance économique, estime une étude du Fonds monétaire internatio­nal.

«La plupart des pays développés ont été le théâtre d’un creusement notable des inégalités de revenus principale­ment causé par l’augmentati­on des revenus de marché du 1% des plus riches», notent les experts du FMI dans la dernière édition de son Moniteur des finances publiques dévoilée mercredi. Une bonne part de ce phénomène, rappelle-t-on, a été causée par des phénomènes mondiaux, comme les changement­s technologi­ques, la mondialisa­tion et les récessions. Mais les gouverneme­nts ont aussi eu tendance, ces dernières années, à affaiblir leurs mécanismes de répartitio­n de la richesse en abaissant, notamment, les impôts des contribuab­les les plus riches, avec l’idée, peut-être, que cela pourrait stimuler la croissance économique.

«Bien qu’un certain niveau d’inégalité soit inévitable dans un système basé sur l’économie de marché à cause des différence­s de talent, d’effort et de chance, une inégalité excessive peut éroder la cohésion sociale, mener à une polarisati­on politique et, ultimement, réduire la croissance économique », prévient-on. Autrement dit, non seulement la redistribu­tion de la richesse ne nuit pas à la croissance «si elle n’est pas excessive», mais elle a un effet « positif ».

Les experts du FMI en concluent que les pays développés auraient tout intérêt à défaire au moins une partie de leurs baisses d’impôt des dernières années. On souligne ainsi que le taux marginal d’impôt sur le revenu des particulie­rs le plus élevé dans les pays de l’OCDE a dégringolé d’une moyenne de 62% en 1981 à 35% en 2015. On calcule que cette moyenne pourrait être remontée à un taux marginal «optimal» de 44 %.

Le FMI estime qu’en 2015 les impôts et transferts sociaux des gouverneme­nts ont réduit en

moyenne du tiers les inégalités de revenus de marché dans les pays développés. Seulement le quart de cette réduction serait directemen­t attribuabl­e à l’action des impôts et les trois quarts aux effets des politiques de transferts, comme l’aide sociale, les prestation­s pour enfants à charge et autre programme de sécurité de la vieillesse.

Le cas du Canada

Rappelons qu’au Canada, le Québec et l’Ontario ont pratiqueme­nt le même taux marginal maximal d’impôt sur le revenu, à raison, au Québec, d’un taux d’un peu plus de 53% sur les revenus dépassant 203 000$, soit non seulement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, mais audessus de ce «taux marginal optimal» du FMI.

Pour une raison qu’ils n’expliquent pas, les experts du FMI semblent toutefois se baser uniquement, pour le Canada, sur le taux marginal supérieur au niveau fédéral, qui est aujourd’hui de 33%. On constate dans leur étude que le Canada est loin d’être le pays où les inégalités sont les plus élevées, et ce, avant comme après les impôts et transferts sociaux. Le Canada ne s’y retrouve pas moins classé parmi les pays développés où les impôts et transferts sociaux contribuer­aient le moins à réduire les inégalités de revenus de marché. Seuls les États-Unis et Israël feraient moins bien que lui en ce domaine sur 30 pays, estime-t-on, loin derrière les premiers de classe que sont l’Irlande, la Finlande et la Grèce, et à bonne distance de l’Allemagne (6e), de la France (9e) et du Royaume-Uni (15e).

Comment taxer les plus riches?

En ce domaine, on ne doit pas s’arrêter à l’écart des taux d’impôt qui s’appliquent aux contribuab­les les plus riches et les plus pauvres, disent les auteurs de l’étude. Dans la réalité, la progressiv­ité du système fiscal des pays peut être plus basse encore parce que les contribuab­les les plus riches ont souvent accès à toutes sortes de façons de payer moins d’impôt en profitant au maximum des congés de taxe accordés, par exemple, à ceux qui gagnent assez pour économiser pour la retraite, en touchant des revenus sous forme de gains en capital moins taxés ou en recourant aux conseils d’experts en planificat­ion fiscale, sans parler des paradis fiscaux. On suggère aux gouverneme­nts qui voudraient corriger la situation de ne pas s’arrêter à l’impôt sur le revenu des particulie­rs. Un resserreme­nt des règles sur les gains en capital et sur les revenus de dividendes, ainsi que les taxes foncières, les impôts sur les succession­s et autres taxes sur les biens de luxes peuvent aussi être de bons moyens d’aider les plus riches à mieux redistribu­er la richesse.

Le FMI admet cependant que de telles réformes peuvent être difficiles à faire passer, « parce que les mieux nantis tendent à avoir plus d’influence politique».

 ?? MATTHIAS SCHRADER ASSOCIATED PRESS ?? Des manifestan­ts de l’organisme Oxfam portaient des têtes à l’effigie de chefs d’État pour protester contre les inégalités et la pauvreté au sommet du G20 à Hambourg, en juillet dernier.
MATTHIAS SCHRADER ASSOCIATED PRESS Des manifestan­ts de l’organisme Oxfam portaient des têtes à l’effigie de chefs d’État pour protester contre les inégalités et la pauvreté au sommet du G20 à Hambourg, en juillet dernier.

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