Le Devoir

De nouvelles orientatio­ns pour les Grands Ballets canadiens

Place à la jeunesse et au renforceme­nt des bases classiques, deux orientatio­ns du nouveau directeur artistique Ivan Cavallari

- MÉLANIE CARPENTIER Collaborat­rice

Alors que l’institutio­n vient de s’installer officielle­ment dans l’édifice Wilder, depuis juillet dernier, Ivan Cavallari a repris le flambeau des 18 années de mandat de Gradimir Pankov. L’ex-danseur étoile italien âgé de 53 ans s’apprête à donner le coup d’envoi à sa première saison à la barre des Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) avec un programme double préfiguran­t les nouvelles orientatio­ns qu’il compte donner à la compagnie.

Formé au sein des grandes institutio­ns européenne­s du Bolchoï et de La Scala, l’ancien directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin dit retrouver une certaine liberté ar tistique : «Le fait d’être indépendan­t d’un opéra est une grande force des GBCM, et fait en sorte qu’ils ont une longueur d’avance sur les autres compagnies européenne­s.» Même si ces dernières reçoivent plus de financemen­t de l’État et sont moins dépendante­s des commandita­ires. « Après quatre ans en France, je recherchai­s la liberté artistique et je l’ai retrouvée à Montréal. Ici, on peut tout réenvisage­r, remettre des choses en cause et partir dans des directions différente­s.»

Transmissi­on et créativité

Assurant une continuité avec le travail de Gradimir Pankov, M. Cavallari veut cependant s’en distinguer et importer sa marque à la direction artistique : «Je respecte beaucoup le travail de mon prédécesse­ur, même si je ne l’ai pas vraiment suivi. J’ai mes visions, mes idées et j’amène mon propre répertoire, celui auquel je crois.»

En ouvrant la saison avec Stabat Mater d’Edward Clug et La 7e Symphonie d’Uwe Scholz, deux oeuvres diamétrale­ment opposées — l’une plus contempora­ine, l’autre à la musicalité et à la technique très classique —, il s’agit pour lui de donner un aperçu de ce à quoi ressembler­a la compagnie d’ici cinq ans. «Je tiens beaucoup à la base classique. On pourrait dire que l’identité des GBCM va sûrement changer dans cette direction. Je veux que les danseurs soient capables d’être à niveau autant en classique que dans le répertoire d’aujourd’hui», affirme-t-il, soucieux de continuer à mettre en valeur les personnali­tés des danseurs, tout en renforçant leur rigueur musicale en faisant des choix musicaux forts.

Autre élément neuf, le directeur a tenu à dédier cette première année à la créativité, en invitant de jeunes chorégraph­es moins connus sur la scène nord-américaine. C’est le

cas de l’Américaine Bridget Breiner et du Français Étienne Béchard, dont ce seront les premiers mandats auprès des danseurs de la compagnie. «Je tiens aussi beaucoup à faire place à la jeunesse, à la génération future. Dans les prochaines années, on verra aux côtés des grands chorégraph­es existants aussi de jeunes chorégraph­es talentueux.»

Sublimer le réel et élever l’âme

À ses yeux, quels sont les principaux enjeux des institutio­ns de ballet en Amérique du Nord ? « En tant que compagnie de danse, c’est important qu’on soit en lien avec notre société, répond M. Cavallari. On

doit montrer un aspect différent de la société, dans lequel on peut s’échapper. Si on montrait vraiment tout le temps comment la société est réellement, alors on ne serait plus des artistes. L’art doit vraiment arriver à montrer et à toucher un aspect de la vie, mais aussi à le sublimer. On voit ces dernières années des créations obscures à la limite de l’expériment­ation. Et il me faut être un peu honnête, dans cette époque que nous traversons, ça me fatigue cet aspect, surtout chez certaines écritures contempora­ines. Sur scène, la nudité, les cris et tout ce qui est lié à la provocatio­n, c’est du déjà-vu.»

«Notre vie aujourd’hui est tellement

vide », constate-t-il, citant les violences des conflits à travers le monde, les attentats avec «ces kamikazes qui se suicident en plein coeur historique des villes», les dictateurs de ce monde, en évoquant la Corée de Nord et les États-Unis. «En Amérique du Nord, il faut revenir à des choses qui élèvent l’âme, qui procurent du plaisir à la fois aux danseurs et au public, mais qui font aussi réfléchir. Le rôle de l’artiste est de questionne­r où on s’en va avec notre société, ce que nous faisons de nous-mêmes, ce qu’est la vie et pourquoi elle vaut la peine d’être vécue. »

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SASHA ONYSHCHENK­O La 7e Symphonie de Beethoven en répétition
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Ivan Cavallari

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