Le Devoir

Rouler en sécurité où que vous soyez

Le système de RideMetry détecte les accidents et alerte automatiqu­ement les services d’urgence

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateurs. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, un adepte de moto qui ne craint plus de sortir des sentiers battus.

Un soir du mois d’août dernier, une femme dans la trentaine circule à moto sur le chemin du Lac-Édouard, au nord de La Tuque. Une route sinueuse que les motocyclis­tes surnomment la «montagne russe». Elle perd le contrôle de sa monture et effectue une sortie de route. Le motocyclis­te qui l’accompagne rebrousse chemin, mais ne parvient pas à la retrouver dans la végétation dense. Sérieuseme­nt blessée, dans une zone sans couverture cellulaire, elle ne sera retrouvée que le lendemain après-midi.

C’est exactement ce genre de drame que la jeune compagnie montréalai­se RideMetry tente d’éviter, grâce à un système permettant d’alerter automatiqu­ement les services d’urgence par signal satellite en cas d’accident subi en territoire éloigné.

Deux de ses cofondateu­rs ont décidé de créer l’entreprise l’an dernier après avoir vécu une expérience similaire. En juillet 2016, Marc-André Larin a été projeté au-dessus de sa moto dans une bretelle d’autoroute. Et comme à La Tuque, son ami Victor Bursucianu, qui le suivait à moto, n’a pas pu le localiser.

Les deux collègues s’étaient rencontrés dans un club étudiant de l’Université de Sherbrooke qui concevait des motos électrique­s. Ensemble, ils avaient mis au point un système permettant d’envoyer des alertes par courriel ou par message texte si la températur­e des batteries au lithium faisait craindre un incendie.

«Quand on s’est assis dans un café après ma sortie de route, on a réalisé que le système qu’on développai­t dans le club étudiant pourrait être utile en cas d’accident et qu’on pourrait en faire une entreprise », dit Marc-André. Quatre mois plus tard, ils avaient un prototype fonctionne­l en main.

Sans interventi­on humaine

Le système développé par RideMetry prend la forme d’une petite boîte rectangula­ire dissimulée à l’intérieur d’une moto, d’une motoneige ou d’un véhicule tout-terrain. En analysant en temps réel l’emplacemen­t, la vitesse et la rotation du véhicule, le dispositif peut détecter un accident et envoyer une alerte sur-le-champ, sans que le conducteur ait à intervenir.

«Le principal enjeu, c’est de détecter s’il y a un problème sans interventi­on humaine, résume Marc-André. Avec les modules actuels, tu appuies sur un bouton et tu appelles de l’aide. On veut enlever l’interventi­on humaine, parce que c’est lorsque tu as le plus besoin d’aide que tu n’es pas en mesure d’actionner le système. »

Puisque le module communique avec le téléphone mobile du conducteur par Bluetooth, mais qu’il utilise le signal satellite pour envoyer une alerte, il peut fonctionne­r dans les régions qui sont mal desservies par le réseau cellulaire.

«En ce moment, on travaille avec des chercheurs de l’École de technologi­e supérieure pour développer une intelligen­ce artificiel­le qui va nous permettre de catégorise­r les accidents à partir des données du système», ajoute l’étudiant en génie électrique. Cela signifie qu’à terme, la centrale recevant une alerte pourrait savoir s’il s’agit d’un accident nécessitan­t une interventi­on urgente ou non.

Jusqu’à maintenant, la technologi­e de RideMetry a été testée par une centaine d’utilisateu­rs. En plus de la détection d’accidents, elle permet par exemple d’aviser le propriétai­re en cas de vol et de suivre le véhicule sur une applicatio­n mobile.

Marché mondial

Une nouvelle version du système de la jeune compagnie sera offerte à partir de décembre au coût de 500$. Les cofondateu­rs ne délaissent pas le marché des particulie­rs, mais ils ont décidé de miser en priorité sur les compagnies de location de véhicules. « C’est plus facile de travailler en collaborat­ion avec elles pour faire les ajustement­s nécessaire­s, note Marc-André. Des concession­naires nous aident à développer le produit et à le faire connaître aux clients, donc c’est gagnant-gagnant. »

À court terme, RideMetry vise les quelque 175 000 motocyclis­tes québécois, mais elle souhaite éventuelle­ment attirer tous les utilisateu­rs de véhicules qui s’aventurent en zone éloignée au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

La compagnie a même eu des échanges avec une compagnie qui exploite une flotte de véhicules en Afrique, où la couverture cellulaire laisse souvent à désirer.

«On s’est fixé l’objectif de sauver des vies avec notre produit. Et en installant notre dispositif dans tous les véhicules, ça diminue grandement

les risques », plaide Marc-André. Ce grand gaillard à la longue chevelure réussit à faire progresser son entreprise tout en terminant ses études et en occupant un emploi à temps partiel. Mais pour un mordu comme lui, qui fait de la moto de mars à décembre, RideMetry, ce n’est pas vraiment du travail. « Je me sens vraiment privilégié de pouvoir travailler dans un domaine qui me passionne», ditil simplement, avant de remonter sur sa moto rouge vif.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR À court terme, l’entreprise RideMetry, cofondée par Marc-André Larin, vise les quelque 175 000 motocyclis­tes québécois.
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INFOGRAPHI­E LE DEVOIR

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