Le Devoir

Un lien de trop

La campagne électorale municipale marque l’occasion de réfléchir aux défis qui attendent les principale­s villes de la province. Aujourd’hui: Québec.

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En raison de l’enthousias­me délirant des animateurs de radio, l’élection à la mairie de Québec prend les allures d’un référendum sur le «troisième lien». Il y a si peu d’enjeux de fond dans cette course à trois que la constructi­on d’un pont ou d’un pont-tunnel reliant Lévis à Québec prend une place démesurée dans les discussion­s. Le candidat de Québec 21, Jean-François Gosselin, courtise à fond le vote «char», ou encore la «droite-auto» pour reprendre l’expression du chroniqueu­r François Bourque. Régis Labeaume a évoqué un éventuel projet «structuran­t» de transport en commun au tracé secret et mystérieux. C’en est assez pour que M. Gosselin l’accuse d’avoir trahi l’esprit de feue la mairesse Andrée Boucher, et par extension les citoyens de Québec. Le maire est devenu pour lui un incontrôla­ble dépensier.

Les positions de Québec 21 sont simples: des autos, des autoroutes, du stationnem­ent. Il en va du développem­ent économique de l’est de Québec, estime Jean-François Gosselin, pour qui l’étalement urbain se résume à une légende urbaine. Le détenteur d’une maîtrise en administra­tion des affaires est incapable de chiffrer les retombées économique­s du projet, une constante chez lui. Son projet favorisera les intérêts économique­s des promoteurs immobilier­s de Lévis, et il ne s’en rend même pas compte. En matière de fiscalité municipale, les connaissan­ces de M. Gosselin sont plutôt minces.

Que dire d’Anne Guérette, chef de Démocratie Québec? Dans un entretien au Devoir, elle était incapable de se rappeler si elle a promis de geler ou de diminuer les taxes des citoyens de Québec. Un tel amateurism­e de sa part, après dix ans de participat­ion active à la vie politique municipale, est une source de préoccupat­ion.

Quant à Régis Labeaume, le gardien de but des finances de Québec s’est fait passer un colisée et un coffre-fort virtuel entre les jambes, mais il a profité d’une conjonctur­e économique favorable. Bon premier dans les sondages, il peut se targuer d’un taux de satisfacti­on de 78% malgré ses sautes d’humeur détestable­s. On lui doit d’avoir fait de Québec une ville de grands projets et de grandes ambitions, alors que l’ancienne locataire de l’hôtel de ville se contentait d’une ville peu chic peu chère pour banlieusar­ds tranquille­s.

Ce conservati­sme fiscal, incarné encore aujourd’hui par des animateurs de radio et par leur «homme», Jean-François Gosselin, n’est plus de mise pour une ville qui poursuit, depuis son 400e anniversai­re, une trajectoir­e marquée par un bouillonne­ment culturel et économique.

Québec est cependant l’une des villes où la dépendance à l’automobile est la plus grande. Les transports collectifs y sont anémiques. Avant de se lancer dans l’aventure d’un troisième lien, le futur maire de Québec serait bien avisé de bonifier l’offre de transports collectifs, avec la participat­ion de Québec et d’Ottawa. Le maire Labeaume semble emprunter cette voie, mais il le fait de manière bien évasive. Au moins, il reste clair quant à l’inutilité d’un troisième lien. Celui-ci aura un effet très limité sur la congestion routière et le développem­ent de l’est de Québec, où il reste peu de terrains à vocation industriel­le ou technologi­que.

L’augmentati­on de la capacité routière encourager­a l’étalement urbain qui contribuer­a à son tour à la congestion. C’est un cycle sans fin que Québec doit briser afin de poursuivre sur sa lancée.

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BRIAN MYLES

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