Le Devoir

Agir pour contrer la privatisat­ion et la marchandis­ation de l’éducation

- LUC ALLAIRE Secrétaire général du Comité syndical francophon­e de l’éducation et de la formation (CSFEF)

La dernière décennie a été marquée par une croissance sans précédent des acteurs privés dans l’éducation, notamment dans les pays à faibles revenus. Cette croissance est sur le point de transforme­r en profondeur des systèmes éducatifs déjà fragiles. De nombreux investisse­urs, comprenant des entreprise­s multinatio­nales, s’impliquent à grande échelle dans le marché jugé très lucratif de l’éducation. Certains proposent des services à bas coût, de mauvaise qualité, visant les population­s pauvres, tout en s’exonérant des régulation­s des États. La croissance de ces acteurs privés, et plus généraleme­nt de la marchandis­ation de l’éducation, est particuliè­rement marquée au niveau du cycle fondamenta­l (primaire et secondaire), là où les injustices sociales se creusent.

Un réseau

Depuis 2015, un consortium internatio­nal d’organisati­ons travaille sur la privatisat­ion de l’éducation et des droits de la personne afin de mieux cerner les enjeux de ce phénomène et d’agir de manière collective et constructi­ve. Au sein de ce consortium, un réseau francophon­e contre la marchandis­ation de l’éducation s’est constitué en 2016, dans lequel le Comité syndical francophon­e de l’éducation et de la formation (CSFEF) joue un rôle actif.

Le réseau francophon­e a organisé un colloque en mars 2016 au siège de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF) à Paris, puis a lancé l’appel francophon­e contre la marchandis­ation de l’éducation, qui a reçu le soutien de 302 organisati­ons dans 38 pays.

Cet appel a été entendu par les chefs d’État et de gouverneme­nt lors du Sommet de la Francophon­ie, qui s’est tenu à Madagascar en novembre 2016. En effet, l’éducation s’est taillé une place de choix dans la déclaratio­n qui a été adoptée lors de ce Sommet. Plusieurs paragraphe­s font écho aux revendicat­ions exprimées dans l’appel, dont l’importance d’avoir des enseignant­es et enseignant­s qualifiés pour une éducation de qualité, l’attachemen­t à l’éducation publique et le contrôle renforcé du secteur éducatif privé. Les chefs d’État et de gouverneme­nt ont aussi manifesté leur inquiétude quant à la proliférat­ion des écoles privées.

Réfléchir aux défis actuels

Dans le prolongeme­nt de ces actions, le réseau francophon­e organise en octobre 2017 (du 23 au 26 octobre à Dakar, au Sénégal) une rencontre francophon­e sur la marchandis­ation de l’éducation, qui sera l’occasion pour les acteurs impliqués dans la réalisatio­n et la défense du droit à l’éducation (représenta­nts des États, des organisati­ons internatio­nales, des ONG, des chercheurs…) de se réunir pour discuter des défis actuels que pose l’accroissem­ent sans précédent des acteurs privés dans l’éducation et de développer une réponse qui soit en phase avec l’histoire, les valeurs, et la culture des sociétés de la Francophon­ie.

Cette Rencontre de la société civile francophon­e sera aussi l’occasion de rappeler aux chefs d’État et de gouverneme­nt les engagement­s qu’ils ont pris sur la scène internatio­nale en faveur de l’éducation publique, gratuite et de qualité pour toutes et tous. Car ces engagement­s doivent se traduire en actions concrètes, dès maintenant.

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