Le Devoir

Une lenteur injustifié­e

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Dans sa lettre de mandat au ministre de la Justice, le premier ministre Justin Trudeau était clair. Jody WilsonRayb­ould devait «réviser les changement­s apportés depuis dix ans» au système de justice pénale par les conservate­urs, eux qui voulaient punir les infraction­s plus sévèrement. Deux ans plus tard, on attend toujours cette réforme essentiell­e, y compris dans les peines minimales.

La tâche de la ministre de la Justice est une des plus lourdes qui soient. Elle doit mener à bien ses propres politiques en plus de seconder ses collègues dans les leurs. Mme Wilson-Raybould n’a pas chômé depuis l’élection de 2015. Elle a consulté la communauté juridique sur la réforme du droit pénal. Elle a présenté dix projets de loi, dont ceux sur l’aide médicale à mourir, la légalisati­on de la marijuana et la conduite avec facultés affaiblies. Trois gros morceaux.

Une loi contre la discrimina­tion et la propagande haineuse visant les transgenre­s a été adoptée, mais des six projets restants, cinq n’ont même pas eu droit à une seule seconde de débat. L’un d’entre eux était pourtant considéré comme la première étape du ménage attendu dans les changement­s apportés par les conservate­urs, dont plusieurs ont été battus en brèche par les tribunaux.

Présenté il y a un an, le projet C-28 prévoit redonner aux juges une plus grande discrétion en matière de suramendes compensato­ires. Les conservate­urs les avaient augmentées et rendues obligatoir­es, qu’un contrevena­nt en ait les moyens ou non. Malgré l’appui donné par la communauté juridique qui en faisait une priorité, ce projet de loi piétine.

On ne peut reprocher à la ministre de vouloir bien faire les choses, mais il est question ici de priorités. Renverser les orientatio­ns conservatr­ices doit figurer au sommet de la liste. Cela veut dire permettre, au moment de la déterminat­ion de la peine, une prise en compte plus souple du temps en détention avant le verdict. Cela exige aussi une révision des peines minimales qui se sont multipliée­s et durcies sous les conservate­urs, ce qui a contribué en partie à la crise des délais judiciaire­s.

Les provinces veulent qu’on s’y attaque, d’où l’annonce faite par Mme Wilson-Raybould en avril dernier à l’issue d’une rencontre des ministres de la Justice fédéral et provinciau­x portant sur cette crise des délais judiciaire­s. Elle a alors annoncé qu’un projet de loi sur les peines minimales serait présenté au printemps 2017. Six mois plus tard, on n’a toujours rien vu.

La ministre ne travaille pas seule, tout un ministère l’appuie. Rien ne justifie cette lenteur. Il y a urgence à s’attaquer aux dispositio­ns qui ont eu pour effet de modifier l’esprit de notre système de justice. Et il faut le faire avant les prochaines élections.

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MANON CORNELLIER

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