Onirisme et symbolisme à la loupe
LA FLÛTE ENCHANTÉE Opéra en deux actes de Mozart. Avec Charles Castronovo (Tamino), Golda Schultz (Pamina), Markus Werba (Papageno), Kathryn Lewek (Reine de la nuit), René Pape (Sarastro), Christian Van Horn (Sprecher), Greg Fedderly (Monostatos), Ashley Emerson (Papagena). Direction: James Levine. Mise en scène: Julie Taymor. Mise en images: Gary Halvorson. Samedi 14 octobre 2017. Rediffusions les 4, 6 ou 8 novembre selon les cinémas participants.
Die Zauberflöte de Mozart, ou plutôt The Magic Flute, dans une version abrégée en anglais, avait été le premier opéra présenté par le Metropolitan Opera au cinéma le 30 décembre 2006. Le spectacle était un événement parce qu’il avait été confié à l’imaginaire foisonnant de Julie Taymor, qui avait fait sensation avec sa transposition scénique, en comédie musicale, du Roi lion en 1997.
Un gros ego aux manettes
La flûte enchantée, version 2017, au cinéma était l’occasion de profiter du spectacle sur l’intégralité de l’opéra dans sa version originale allemande. « Profiter du spectacle» est vite dit, car cette Zauber flöte de Julie Taymor se déguste vraiment en salle. Baignée d’onirisme et de symbolisme, c’est en jetant sur elle un regard large et en faisant le tri que nous pouvons la voir ou la rêver. C’est une production particulièrement difficile à transposer à l’écran, car il faut user et abuser de plans larges afin de ne pas y voir les marionnettistes tirer les ficelles.
Après une Norma, où il semblait s’être amendé de ses errances antérieures, c’est peu dire que Gary Halvorson a mis les bouchées doubles pour bousiller la magie de la Zauberflöte de Julie Taymor, et notamment son 1er acte. Le schéma est toujours le même : une succession nerveuse de plans, alors que le cadre est trop étroit. Le pire de l’agitation intervenait au moment le plus délicat: la scène des trois dames, chacune étant personnifiée non par son visage réel, mais par un masque. Halvorson n’a rien compris à cela, ou n’en a su que faire. Voir le mécanisme du spectacle (y compris pour la grande oie portant les trois enfants) n’avait aucun intérêt. Se retirer discrètement pour en saisir la magie visuelle était la seule option. Le second acte était de ce point de vue moins parasité. Mais le bilan de l’après-midi est une énorme frustration.
Des couleurs plein la vue
Malgré la dissection imposée par les caméras, il reste la magie des couleurs et des scènes d’un spectacle qu’on espère voir Yannick Nézet-Séguin reprendre des mains de l’excellent James Levine, très alerte musicalement malgré son handicap physique.
Sur scène, une belle équipe autour du Tamino brillant de Charles Castronovo, une vedette en France qui va le devenir dans son pays, de la Pamina à la voix charnue de Golda Schultz et du roublard Markus Werba, impeccable Papageno. René Pape était venu faire un tour de piste spécialement pour les caméras (il n’a chanté que cette représentation), mais il a dispensé beaucoup de musique. Kathryn Lewek était clairement venue immortaliser «sa» Reine de la nuit, façon sportive, accélérant avant les passages fatidiques et faisant fi du chef. Elle fut très impressionnante, mais les ficelles étaient grosses.
Mention spéciale positive pour Greg Fedderly en Monostatos, quasi-caricature prémonitoire de Harvey Weinstein, et négative pour la basse Christian Van Horn en Sprecher, mal assuré au début de sa première intervention, puis baragouinant un improbable allemand de souk au second acte.