Le Devoir

Remettre les mémoires à jour

L’ambitieuse aventure du Wild West Show de Gabriel Dumont croise en surface les souvenirs des peuples fondateurs du Canada

- SARA FAUTEUX à Ottawa

LE WILD WEST SHOW DE GABRIEL DUMONT Texte : Jean Marc Dalpé, David Granger, Laura Lussier, Alexis Martin, Andrea Menard, Yvette Nolan, Gilles Poulin-Denis, Paula-Jean Prudat, Mansel Robinson et Kenneth T. Williams. Mise en scène : Mani Soleymanlo­u. Une coproducti­on du Théâtre français du Centre National des arts, du Nouveau Théâtre Expériment­al, du Théâtre Cercle Molière et de La Troupe du Jour. Du 31 octobre au 18 novembre au Théâtre d’Aujourd’hui.

Des résistance­s métisses du XIXe siècle dans les prairies canadienne­s le Québec aura retenu la figure de Louis Riel. Mais pour plusieurs comédiens de la troupe du Wild West Show de Gabriel Dumont, la figure emblématiq­ue de la lutte menée pour leur territoire et leur identité est plutôt celle du chef métis Gabriel Dumont. D’où la nécessité de croiser les mémoires passées qui aura guidé Alexis Martin et Jean-Marc Dalpé dans cette ambitieuse aventure théâtrale. Hélas, leur démarche inspirée reste à la surface des choses une fois traduite sur scène.

Dalpé et Martin ont fait appel à l’auteure métisse Yvette Nolan pour compléter leur trio d’écriture et confronter leur vision d’événements fondateurs de leur identité canadienne commune, mais ô combien divergente. C’est Mani Soleymanlo­u qui assure la mise en scène de cette production d’envergure rassemblan­t dix auteurs et autant de comédiens de l’ouest du pays, de l’Ontario et du Québec.

Le spectacle emprunte le ton pédagogiqu­e et ludique qu’on reconnaît au Nouveau Théâtre Expériment­al afin de faire le récit de la lutte de toute une communauté à la défense de sa culture et de son territoire. Alors que le chemin de fer transconti­nental si cher au gouverneme­nt canadien s’étend de plus en plus vers l’ouest, les Métis, comme toutes les communauté­s autochtone­s des Prairies, voient leurs terres dérobées. En 1885, à Batoche, ils livrent leur dernier combat contre l’armée du général Middleton.

Malgré une approche parfois didactique, le parcours historique proposé manque de repères et de perspectiv­e. Il peine à transmettr­e la charge symbolique puissante des événements relatés. La bataille de Batoche est capitale parce qu’elle rassemble tous les partis qui fondent le Canada. Canadiens-français, Britanniqu­es, Irlandais, Métis et Autochtone­s s’y opposent dans un complexe assemblage d’intérêts et de pouvoir auquel la représenta­tion ne donne pas accès.

La forme du Wild West Show, empruntée à Buffalo Bill, dont les production­s populaires ravissaien­t les foules au début du XXe siècle, se matérialis­e ici dans un grand cabaret théâtral qui fait dialoguer les références du présent avec celles du passé. Ce qui réjouit le plus dans ces tableaux burlesques, c’est l’adresse, l’engagement et la complicité des comédiens qui s’activent avec fougue sur le plateau. Charles Bender, en Gabriel Dumont, accorde une gravité salutaire au personnage. La personnifi­cation du premier ministre canadien John A. Macdonald par Dominique Pétin est réjouissan­te. Le charisme et la puissance de Krystle Pederson illuminent le plateau. Et la musique d’Andrina Turenne marque les meilleurs moments de la représenta­tion.

Reste que si la danse, la musique, le vaudeville et le sketch se côtoient ici de manière rythmée, la tension dramatique est constammen­t diluée par l’humour facile et le cabotinage à l’excès. L’histoire est peut-être revisitée, mais le langage théâtral, lui, n’est réinventé d’aucune manière et reste impuissant à activer véritablem­ent une nouvelle mémoire, sensible et plurielle, des événements.

 ?? JONATHAN LORANGE ?? Le spectacle emprunte le ton pédagogiqu­e et ludique qu’on reconnaît au Nouveau Théâtre Expériment­al.
JONATHAN LORANGE Le spectacle emprunte le ton pédagogiqu­e et ludique qu’on reconnaît au Nouveau Théâtre Expériment­al.

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