Le Devoir

Alors, à visage découvert ou pas ?

Petite visite guidée dans le labyrinthe de la loi sur la neutralité religieuse

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, demande une nouvelle fois aux municipali­tés de veiller au respect de la loi 62 après avoir corrigé la portée de l’obligation de recevoir des services publics à visage découvert. Celle-ci se limite désormais au «moment d’interactio­n directe » d’une personne avec un agent de l’État plutôt qu’à «la durée de la prestation de service », a-t-elle expliqué mardi. Rien n’y fait, le maire de Montréal, Denis Coderre, reste les bras croisés une semaine après l’entrée en vigueur de la Loi sur la neutralité religieuse de l’État dans la controvers­e.

Si ses «appels au dialogue et à la collaborat­ion » restent sans réponse, le gouverneme­nt du Québec pourrait « ultimement » forcer les municipali­tés à appliquer la «loi sur le vivre ensemble » au moyen d’une injonction, a averti Mme Vallée mardi. «Mais on n’en est pas là», a-telle rapidement précisé.

Mme Vallée a dévoilé mardi les principes d’applicatio­n de l’obligation de donner et de recevoir les services publics à visage découvert, qui se trouve au coeur de la Loi sur la neutralité religieuse de l’État.

Cela dit, l’exigence du visage découvert n’a rien à voir avec la neutralité religieuse de l’État, a insisté le premier ministre Philippe Couillard. «Il n’est pas question de religion là-dedans. […] Il faut qu’on puisse avoir une communicat­ion humaine complète, surtout lorsqu’elle doit être complexe. Et ça nécessite de le faire à visage découvert dans le cadre des services publics, et surtout pas de légiférer sur la façon dont les gens s’habillent en public», a-t-il déclaré en chambre.

«Identifica­tion, communicat­ion et sécurité», répétaient comme un mantra les membres de son gouverneme­nt questionné­s sur les objectifs de l’exigence du visage découvert.

Interactio­n directe

Après avoir répété à l’Assemblée nationale que l’interdicti­on du voile, des verres fumés, de la cagoule ou encore du bandana s’appliquait «durant la durée de la prestation de services», Mme Vallée a annoncé mardi que toute personne est tenue de dévoiler son visage seulement lorsqu’elle est en « interactio­n directe avec l’agent de l’État », à moins d’avoir obtenu un accommodem­ent pour motif religieux.

Dans cet esprit, un usager d’un service de transport public n’a pas à montrer son visage lorsqu’il valide son titre de transport sur une borne électroniq­ue. Mais un chauffeur

prochain budget (signe que ce changement a été décidé à la dernière minute). Mais le gouverneme­nt promet que la bonificati­on représente­ra des dépenses supplément­aires pour le Trésor fédéral de 500 millions par année. Il s’agira d’une nette augmentati­on puisque le programme a coûté 1,1 milliard en 2016.

Autre cadeau contenu dans cette mise à jour économique: l’allocation canadienne pour les enfants (ACE) sera indexée au taux d’inflation à compter de 2018, soit deux ans plus tôt que prévu. L’indexation se fera à deux niveaux: les montants versés aux parents seront augmentés, tout comme les seuils de revenus familiaux à partir desquels l’ACE est amputée. Cette indexation coûtera 1,1 milliard à Ottawa en 20192020. Le programme dans son ensemble coûte déjà environ 23 milliards. Le ministère des Finances calcule que, pour un couple avec deux enfants gagnant 70 000$ par année, la prestation versée augmentera d’environ 381$ par année, passant de 6790 $ à 7171 $.

Par ailleurs, les libéraux avaient déjà annoncé il y a quelques jours qu’ils réduiraien­t graduellem­ent le taux d’imposition des petites entreprise­s de 10,5 % à 9 %.

Au chapitre de l’assurance-emploi, Ottawa se réjouit du fait que moins de travailleu­rs y ont eu recours. Aussi le gouverneme­nt fédéral préditil que l’entité indépendan­te fixant les taux de cotisation fera passer ce dernier de 1,68$ à 1,65 $ par tranche de 100 $ de revenus. Cette diminution retrancher­a 200 millions des coffres d’Ottawa.

Au final, pour l’année 2018-2019, la situation économique embellie se traduit par un apport supplément­aire au trésor public de 10,4 milliards, dont 1,6 milliard sont réinvestis. En 2019-2020, première année complète où les nouvelles dépenses s’appliquero­nt, l’apport supplément­aire est de 9,7 milliards, dont 3,7 milliards sont réinvestis.

Aux journalist­es qui lui ont inlassable­ment demandé pourquoi il ne proposait pas de calendrier de retour à l’équilibre budgétaire, M. Morneau a fait valoir que ce qui comptait était le ratio de la dette/produit intérieur brut (PIB). Or, a clamé le ministre, ce ratio est de 30,5% cette année, alors que le budget 2016 prédisait qu’il serait de 30,9 % en 2020-2021.

Une pluie de critiques

L’opposition est restée de glace devant cet optimisme libéral. Autant au Nouveau Parti démocratiq­ue qu’au Bloc québécois, on y voit un exercice de diversion pour faire oublier les déboires récents de M. Morneau quant à sa situation financière personnell­e et à sa controvers­ée réforme de la fiscalité des entreprise­s.

«C’est une très mauvaise nouvelle que le déficit soit deux fois plus élevé que ce qui avait été promis, a lancé le chef conservate­ur Andrew Scheer. Il n’y a qu’un libéral pour demander aux Canadiens de le remercier d’avoir un déficit seulement le double de ce qui était prévu.» Selon lui, l’indexation de l’ACE ne fait que corriger une erreur qui n’aurait pas dû être commise au départ et ne mérite donc pas de félicitati­ons.

Le néodémocra­te Alexandre Boulerice déplore que cette mise à jour économique n’ait pas pris la forme d’un minibudget, comme ce fut parfois l’occasion dans le passé. «Sur un paquet d’enjeux, que ce soit un programme national de garderies qui n’existe pas, l’assurancem­édicaments, l’aide aux aînés, les transferts en santé, l’assurance-emploi, les paradis fiscaux ou la Banque d’infrastruc­tures, il n’y a rien de nouveau. »

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR Un usager du transport en commun pourrait devoir découvrir son visage s’il est titulaire d’une carte à tarif réduit, ce qui ne sera pas le cas de l’usager qui paie le plein tarif.

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