Le Devoir

Économie › Que vaut le Groupe Juste pour rire? Difficile d’évaluer la valeur de l’entreprise dans les circonstan­ces actuelles.

- FRANÇOIS DESJARDINS

Les données financière­s du Groupe Juste pour rire sont confidenti­elles, mais le prix que pourrait valoir l’entreprise, un empire qui déborde les frontières du Québec, dépend d’une multitude de variables et d’ententes contractue­lles qui nécessiter­ont une analyse exhaustive.

Les experts sont catégoriqu­es: la valeur d’une éventuelle transactio­n sera basée principale­ment sur la capacité de l’entreprise à générer des flux monétaires. Et cela repose notamment sur la présence future des humoristes.

«Il est impossible de mettre un chiffre», dit François Brouard, professeur titulaire de comptabili­té et fiscalité à l’Université Carleton, qui a développé une expertise de l’industrie de l’humour. «Pour faire l’évaluation d’une entreprise, on regarde le profit et le futur. Là, le futur est un peu incertain.»

Dans le cas d’une évaluation classique, dit M. Brouard, qui s’intéresse aussi aux transferts de PME, l’analyse porte sur les actifs tangibles (comme des bâtiments) et intangible­s. « Dans

le cas de Juste pour rire, les actifs tangibles, ce n’est pas ça la question. On parle de réputation, qui est entachée, du carnet de contacts…»

Gilbert Rozon a démissionn­é de toutes ses fonctions dans la foulée des allégation­s de harcèlemen­t et d’agression sexuelle révélées par Le Devoir et le 98,5. Lundi matin, le Groupe Juste pour rire a indiqué qu’«un mandat a été confié à RBC Marchés des capitaux afin d’explorer plusieurs options relatives à la vente des actions du Groupe». Cette exploratio­n porte «notamment » sur «la totalité» des actions détenues par M. Rozon.

Divers reportages dans La Presse ont évoqué au fil des ans que les revenus du Groupe se situent entre 100 et 150 millions. Selon Le Journal de Montréal mardi, M. Rozon voudrait obtenir «près de 70 millions». L’ensemble du Groupe compterait une centaine d’employés, ce qui ne comprend pas les embauches ponctuelle­s pour les divers festivals au Québec et à l’étranger.

Le Groupe Juste pour rire, c’est le festival montréalai­s en français et en anglais, mais aussi des déclinaiso­ns aux États-Unis et en Europe. Ce sont aussi les galas télé, les émissions produites pour TVA, ICI Radio-Canada, Télé-Québec, de même qu’un répertoire d’humoristes connus (André Sauvé, Stéphane Rousseau, Virginie Fortin, etc.) Quant à sa production télé, l’entreprise affirme qu’elle est diffusée dans 140 pays et par une centaine de transporte­urs aériens.

Des mois d’étude

«Sans avoir vu les informatio­ns financière­s, il est impossible de répondre à cette question [sur la valeur] », dit Dominic Pharand, associé en transactio­ns chez PwC. Les acheteurs intéressés voudront évaluer les actifs intangible­s, comme les marques de commerce, les listes de clients et les contrats en place, dit-il. « Les transactio­ns, c’est de plus en plus long. On a beaucoup de mandats qui prennent de trois à six mois. »

Une bonne partie de la rentabilit­é de Juste pour rire repose sur les humoristes, a dit M. Pharand. Cet aspect est une des clés de ce qui sur viendra. «N’importe quel acheteur qui va regarder cette transactio­n va vouloir lire les contrats en place et s’entendre avec les humoristes pour voir s’ils sont prêts à continuer ou s’ils veulent aller ailleurs.»

Il ne faut pas nécessaire­ment voir le Groupe Juste pour rire et toutes ses compagnies comme étant une propriété unique de Gilbert Rozon, a dit M. Brouard. «On ne peut pas le confirmer, mais au Registre des entreprise­s, pour certaines filiales, il n’est probableme­nt pas le seul actionnair­e. » Cet exercice consistant à prendre chaque entité, à faire le portrait de l’actionnari­at et à mesurer les actifs versus les éléments de passif fait partie des tâches confiées à RBC lundi matin, a-t-il ajouté.

«Ça va prendre un acheteur relativeme­nt sérieux», selon M. Brouard, qui n’exclut pas que la transactio­n implique deux acheteurs. Une chose est certaine: les entreprise­s «comparable­s » ne sont pas nombreuses, et cela complique l’évaluation.

Quand il a acheté Spectra en 2013 pour prendre encore plus de place dans les événements culturels, le Groupe CH, propriétai­re d’Evenko, n’a pas divulgué le prix de la transactio­n.

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JACQUES GRENIER LE DEVOIR Le Groupe Juste pour rire, c’est le festival montréalai­s en français et en anglais, mais aussi des déclinaiso­ns aux États-Unis et en Europe. Ce sont aussi les galas télé, les émissions produites pour TVA, ICI Radio-Canada, Télé-Québec, de même qu’un...
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