Le Devoir

Les oeuvres de Guido Nincheri seraient compromise­s

Un comité pour la sauvegarde des oeuvres de Nincheri dénonce la négligence de Montréal

- CAROLINE MONTPETIT

Un groupe de chercheurs et de citoyens proches du Musée Dufresne-Nincheri s’inquiète de la dégradatio­n de l’édifice et d’infiltrati­ons d’eau qui mettraient en péril les collection­s du musée, dont celle du fresquiste et de l’artiste de vitrail d’origine italienne Guido Nincheri. Réuni sous le titre du Comité de sauvegarde du musée Dufresne-Nincheri, ce groupe comprend entre autres les signatures de Tracy Boccini Nincheri, mandataire légale de la famille Nincheri, du cinéaste Paul Carvalho, qui a réalisé Le soleil se lève à l’est, une série de films sur l’est de Montréal, et les historiens Laurier Lacroix, Ginette Laroche et Paul-André Linteau.

Dans une lettre envoyée au Devoir, les membres du comité affirment que «la collection de l’artiste d’origine italienne Guido Nincheri, l’une des collection­s majeures d’art religieux du Québec (vitrail, peinture murale et fresque) est actuelleme­nt menacée en raison de sa mauvaise condition de conservati­on».

Le comité réclame que la Ville de Montréal, qui est propriétai­re de l’édifice, s’engage «à retirer dans les plus brefs délais la collection Nincheri du Château, à la faire décontamin­er et à l’entreposer dans un endroit adéquat et sécuritair­e ». Le comité s’inquiète aussi de la contaminat­ion par moisissure de «la collection mobilière et d’objets décoratifs de la famille Dufresne».

Le porte-parole du comité, Paul Carvalho, affirme ne pas avoir réussi à rencontrer la nouvelle directrice du musée, Manon Lapointe, et la nouvelle présidente du conseil d’administra­tion, Sylvie Bourassa, pour discuter des préoccupat­ions du comité. De leur côté, Manon Lapointe, qui a été nommée à la suite de l’ancien directeur Paul Labonne, et Sylvie Bourassa affirment que le comité ne s’est pas montré flexible sur les dates d’une éventuelle rencontre. «On a été étonné d’avoir des nouvelles d’un porte-parole d’un comité dont on ne connaissai­t pas l’existence, et de ne pas savoir quelles étaient leurs inquiétude­s. Mme Bourassa les a invités à devenir membres du Château», dit-elle. Au moment de notre entretien, Mmes Bourassa et Lapointe n’avaient pas reçu de copie de la lettre qui a été envoyée au Devoir.

Laissé à l’abandon

Au sujet de l’état du bâtiment, Manon Lapointe répond que le dossier relève de la Ville de Montréal. «Nous, on est financé dans le cadre d’une entente avec la Ville de Montréal. On recueille aussi de l’argent pour le fonctionne­ment du musée. Il y a d’autres projets de collaborat­ion pour l’avenir. Mais vous savez comme moi que l’ensemble des musées du Québec est sous-financé.»

Le «comité de sauvegarde du musée Dufresne-Nincheri» affirme quant à lui que « l’édifice souffre d’un sous-financemen­t flagrant en matière d’immobilisa­tions ainsi que de l’absence d’un plan et d’un programme de restaurati­on d’ensemble qui aurait permis, entre autres, de doter le musée de réserves normées afin d’entreposer adéquateme­nt les collection­s ».

L’historienn­e de l’art Ginette Laroche, spécialist­e de l’oeuvre de Guido Nincheri, qui a travaillé à diverses exposition­s pour le musée ainsi qu’à son applicatio­n numérique pour la tablette, dit avoir constaté, au cours des dernières années, d’importants problèmes d’infiltrati­ons d’eau dans les voûtes du musée, où se trouvent notamment des oeuvres en carton et en papier de Nincheri. Ces infiltrati­ons ont pu s’accentuer lors des travaux effectués récemment au carrefour des rues Pie IX et Sherbrooke. Au sujet de la collection mobilière du château, elle dit : «C’est le seul intérieur bourgeois qu’il nous reste [de l’époque des Dufresne]. Tout ce qu’il reste autrement, ce sont des photos de Notman. »

«J’ai eu l’occasion d’aller travailler au château, dit-elle. Je voyais des choses se dégrader. Un des grands dangers des infiltrati­ons d’eau, ce sont les moisissure­s. » Les signataire­s de la lettre soulèvent par ailleurs que la Ville de Montréal a laissé l’édifice à l’abandon à deux reprises, dans les années 1960 et 1970, depuis qu’elle en est propriétai­re. «De nombreux dégâts furent alors causés à l’intérieur par le manque d’entretien et par des actes de vandalisme, l’immeuble ayant été barricadé et laissé sans surveillan­ce. La majorité des vitraux de Nincheri, qui paraient la maison des frères Dufresne, furent alors volés ou détruits; plusieurs de ses toiles murales furent également abîmées, comme certains éléments du décor intérieur (escaliers, boiseries, finitions)».

La collection de papiers et de cartons de Guido Nincheri documente notamment les vitraux réalisés dans quantité d’églises au Québec et ailleurs. Le Château Dufresne est quant à lui inspiré du petit Trianon, de Versailles, en « style beauxarts», précise Mme Laroche.

Mme Bourassa affirme quant à elle n’avoir vu aucune infiltrati­on d’eau dans l’édifice.

Au moment d’écrire ces lignes, le service de l’entretien de la Ville de Montréal n’avait pas répondu aux questions du Devoir.

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MUSÉE DUFRESNE-NINCHERI Le comité réclame que la Ville de Montréal, qui est propriétai­re de l’édifice, s’engage «à retirer dans les plus brefs délais la collection Nincheri du Château, à la faire décontamin­er et à l’entreposer dans un endroit adéquat et sécuritair­e».

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