Débours prématurés ?
Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, était tout sourire mardi en dévoilant son énoncé économique automnal. Il y avait de quoi puisqu’il n’avait que de bonnes nouvelles pour les Canadiens : baisse du déficit, déclin modeste mais continu du poids de la dette par rapport à l’économie, bonification de mesures fiscales pour les familles, les travailleurs à faible revenu et les petites entreprises… La promesse de 2015 d’un déficit d’à peine 10 milliards suivi d’un retour à l’équilibre budgétaire pour les prochaines élections reste cependant reléguée aux oubliettes.
Le gouvernement a préféré faire profiter sa chère «classe moyenne» de cette embellie. Il a devancé de deux ans, soit en juillet 2018, l’indexation au coût de la vie de l’allocation canadienne pour enfants. Il augmente la prestation fiscale pour le revenu de travail et réduit le taux d’imposition des petites entreprises. On parle de dépenses supplémentaires de 1,8 milliard cette année, mais de 3,7 à 4,2 milliards par année par la suite.
Il y aura encore déficit, mais le rebond économique plus vigoureux que prévu a permis au gouvernement de faire meilleure figure que ne l’annonçait le budget de mars 2017. Ainsi, le manque à gagner prévu pour cette année passe de 28,5 à 19,9 milliards, et ça continue de baisser les années suivantes. Le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB) passe sous la barre des 30% en 2019-2020 plutôt que deux ou trois ans plus tard.
Pour que ce scénario tienne la route, il faudra toutefois que le gouvernement n’annonce aucune nouvelle dépense lors des prochains budgets. Il est vrai qu’il a caché des coussins ici et là, dont la réserve pour éventualités de 3 milliards par année et celle, supplémentaire, pour les années 2020 (300 millions), 2021 (600 millions) et 2022 (1 milliard). Et il y aura de nouveaux revenus qui ne figurent pas dans l’énoncé, comme ceux découlant des futures limites sur les investissements passifs des petites entreprises.
Il suffirait cependant d’un déraillement de l’ALENA, d’une hausse des taux d’intérêt ou d’un solide ralentissement économique pour que plane la menace d’une flambée du déficit et des frais de la dette.
Le ministre Morneau répète que la création de l’allocation pour enfants a contribué à la relance actuelle en permettant à des familles de dépenser. Même si l’économie roule à plein régime, il veut que ça continue en protégeant le pouvoir d’achat de ces ménages. Les choix de dépenses du gouvernement sont les bons, mais à la condition d’accepter de dépenser un peu plus tout en étant dans le rouge.
C’est un pari qui n’est pas sans risque car, s’il est perdu, ce sont les générations futures qui en épongeront la facture.