Le Devoir

Puigdemont invité à aller plaider sa cause devant le Sénat à Madrid

- ADRIEN VICENTE LAURENCE BOUTREUX à Madrid

Des tractation­s étaient en cours mardi en Espagne pour une éventuelle prise de parole devant le Sénat du président catalan, l’indépendan­tiste Carles Puigdemont, juste avant une prise de contrôle de la Catalogne par Madrid.

Le gouverneme­nt espagnol s’apprête à suspendre l’autonomie de la région alors que les dirigeants catalans menacent toujours de proclamer l’indépendan­ce.

Le gouverneme­nt conservate­ur de Mariano Rajoy compte destituer tout l’exécutif catalan et confier ses compétence­s aux ministères, prendre le contrôle de la police catalane, mettre sous tutelle le Parlement et les médias publics régionaux, et organiser des élections régionales dans les six mois.

Le Sénat, où le parti de M. Rajoy dispose d’une majorité absolue, doit décider vendredi s’il l’autorise à prendre ces mesures. Avant cela, la Chambre haute a toutefois invité Carles Puigdemont à s’exprimer devant elle, jeudi ou vendredi.

Sa prise de parole pourrait prendre la forme d’un débat avec un membre du gouverneme­nt espagnol, en commission ou en séance plénière, a précisé mardi à la presse le vice-président du Sénat, Pedro Sanz. Et ce débat pourrait même avoir lieu avec Mariano Rajoy luimême, a-t-il laissé entendre.

Membre du Parti conservate­ur de M. Rajoy, M. Sanz a présenté cette invitation comme «un geste de générosité» envers M. Puigdemont.

À Barcelone, le porte-parole de M. Puigdemont, Jordi Turull, a assuré de son côté que le président catalan avait bien «la volonté» d’aller devant le Sénat «pour pouvoir expliquer et contester cette action de l’État espagnol ».

« Mais je ne peux pas vous assurer que, matérielle­ment, ce sera possible», a-t-il ajouté.

Il s’agirait pour M. Puigdemont de présenter ses arguments contre le déclenchem­ent de l’article 155 de la Constituti­on qui permet la prise de contrôle de sa région.

Son applicatio­n réveillera­it des souvenirs douloureux dans cette région de 7,5 millions d’habitants dont l’autonomie avait été abolie pendant la dictature de Francisco Franco, au pouvoir de 1939 à 1975.

Deux scénarios

Le Parlement régional catalan doit organiser jeudi à partir de 10 h, heure locale, un «débat général sur l’applicatio­n de l’article 155 de la Constituti­on espagnole en Catalogne, et ses conséquenc­es possibles », a annoncé cette assemblée mardi soir.

Un député régional du parti indépendan­tiste d’extrême gauche CUP, Carles Riera, a confirmé mardi que deux scénarios étaient sur la table: « l’autodéterm­ination ou la convocatio­n d’élections anticipées». La CUP presse M. Puigdemont de déclarer unilatéral­ement l’indépendan­ce sans plus attendre et rejette les élections anticipées, «l’outil le plus destructeu­r pour mettre fin à notre processus » de sécession, selon M. Riera.

Le gouverneme­nt espagnol avait affirmé qu’il pourrait suspendre l’applicatio­n de l’article 155 si M. Puigdemont convoquait des élections anticipées. Mais mardi, des ministres et élus conservate­urs semblaient moins ouverts.

«La violation par Carles Puigdemont de ses obligation­s ne se règle pas exclusivem­ent en convoquant des élections»,a ainsi prévenu le ministre de la Justice, Rafael Catala, laissant entendre que l’exécutif régional devrait faire d’autres gestes, et notamment dire clairement s’il écarte une déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce.

Les milieux économique­s catalans pressent, eux, les indépendan­tistes de faire marche arrière.

Depuis le 1er octobre, près de 1400 entreprise­s ont déplacé leur siège social hors de Catalogne. «Il faut être conscient de l’impact potentiell­ement élevé qu’entraînera­it la perte définitive des centres de décision de grandes entreprise­s internatio­nales jusqu’à présent ancrées dans notre territoire», a prévenu la Chambre de commerce de Barcelone.

 ?? MANU FERNANDEZ ASSOCIATED PRESS ?? Le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, s’est dit disposé à défendre sa cause devant les sénateurs espagnols cette semaine.
MANU FERNANDEZ ASSOCIATED PRESS Le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, s’est dit disposé à défendre sa cause devant les sénateurs espagnols cette semaine.

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