Sans lecteurs numériques, point de salut
Tout régime de copie privée qui laisse de côté les téléphones intelligents ou les tablettes est voué à l’obsolescence, estime la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC). Celle-ci publie ce mercredi la première analyse comparative des différents régimes existants dans le monde.
«C’est incontournable: si vous laissez de côté les supports numériques, vous pouvez encadrer votre régime [et le mettre au mur], car il ne servira plus à grand-chose», indique en entretien avec Le Devoir Adriana Moscoso, directrice des affaires juridique de la CISAC et responsable du projet. « Tout régime de ce type doit évoluer et s’adapter au marché et aux habitudes des usagers, ajoute Mme Moscoso. Et aujourd’hui, ça veut dire le téléphone. »
Le Canada fait partie des pays qui n’imposent aucune redevance sur les ventes de lecteurs numériques. La Loi sur le droit d’auteur a été modifiée en 1998 pour permettre aux citoyens de copier, pour usage personnel, des chansons obtenues légalement. Or, en près de 20 ans, le système de perception des redevances devant compenser ces copies d’enregistrements n’a pas changé.
C’est encore et toujours par un tarif imposé sur la vente de CD vierges que la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) perçoit des sommes qu’elle reverse aux sociétés représentant artistes, éditeurs et maisons de disques. Les lecteurs de musique numérique — iPod et iPhone, notamment — ne sont pas assujettis à cette exigence. Résultat? Le transfert des habitudes du CD vers les MP3 a fait chuter les revenus de la SCPCP de 37,4 millions en 2004 à 2,6 millions en 2016, révélait Le Devoir il y a deux semaines.
Redevances en hausse
La CISAC a étudié les législations de 191 pays pour établir que 74 d’entre eux ont un régime de copie privée, mais que seulement 38 l’accompagnent d’un système adéquat de perception et de redistribution des redevances.
«Les législations sont très diverses à travers le monde, dit Adriana Moscoso. Mais quand il y a une bonne législation et un bon système de collecte, ça génère des revenus importants pour les [ayants droit]. »
En citant l’exemple des pays de l’Union européenne qui ont intégré les lecteurs MP3 dans leur régime, Mme Moscoso indique qu’«on peut voir que les redevances de copie privée ont presque doublé entre 2012 et 2016 dans le monde».
La SCPCP calcule pour sa part qu’une redevance de 3,50$ imposée sur les ventes de téléphones intelligents et de tablettes au Canada aurait généré 294 millions en six ans. L’organisme tentera de profiter de la révision imminente de la Loi sur le droit d’auteur pour demander au gouvernement d’élargir le régime actuel.