Le Devoir

Michel David et un tournant, selon le sondage Léger-Le Devoir

- MICHEL DAVID mdavid@ledevoir.com

Les libéraux, dont le visage n’en finissait plus de s’allonger le soir de l’élection partielle dans Louis-Hébert, ne s’y étaient pas trompés. La dégelée qu’ils ont encaissée dans la circonscri­ption de la région de Québec, où le PLQ avait obtenu sa plus forte majorité à l’élection générale d’avril 2014, était bel et bien annonciatr­ice de jours difficiles.

Le dernier sondage Léger–Le Devoir a bien enregistré ce tournant: fort d’une avance de 5 points sur les libéraux dans l’ensemble du Québec et de 13 points sur le PQ dans l’électorat francophon­e, François Legault peut maintenant rêver de diriger un gouverneme­nt majoritair­e.

Certes, l’élection est encore loin. Il y a toujours le risque d’atteindre le sommet trop tôt, et les caquistes ont encore amplement le temps de se mettre les pieds dans les plats. Les 34% d’intentions de vote dont la CAQ est créditée n’en sont pas moins l’aboutissem­ent d’une tendance qui se maintient depuis près de six mois.

Devant ce qui ressemble à une irrésistib­le envie de changement, les péripéties des dernières semaines n’ont sans doute pas eu un effet significat­if. Certes, le remaniemen­t ministérie­l n’a pas impression­né outre mesure, la prise de contrôle de la CSeries par Airbus a porté un dur coup à l’ego national et le gouverneme­nt s’est couvert de ridicule avec la Loi sur la neutralité religieuse. En d’autres temps, la bonne performanc­e de l’économie aurait cependant suffi à faire digérer tout cela.

Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un parti qui a gouverné de façon presque ininterrom­pue depuis 15 ans n’arrive pas à incarner le renouveau, d’autant plus que le discours du premier ministre Couillard sur la «transforma­tion» dans laquelle il prétend maintenant engager le Québec témoigne éloquemmen­t de l’épuisement de la pensée du PLQ.

Il est beaucoup plus inquiétant pour le PQ de constater que les Québécois ne voient pas en lui un meilleur agent de changement que le PLQ. Qui plus est, François Legault est perçu — et de loin — comme un meilleur candidat au poste de premier ministre que JeanFranço­is Lisée. Dès lors, on voit mal comment le PQ pourrait supplanter la CAQ dans l’esprit de ceux qui veulent avant tout se débarrasse­r des libéraux.

M. Lisée a lui-même convaincu les militants péquistes que c’était là une urgence plus grande que de tenir un référendum. Il ne devrait donc pas s’étonner de voir des électeurs souveraini­stes se tourner vers celui qui a les meilleures chances d’y parvenir.

D’autant plus que le chef péquiste ne leur a rien proposé de tangible pour mieux faire accepter le report du référendum. S’il devient premier ministre, il s’est au contraire engagé à ne pas utiliser les fonds publics pour faire la promotion de la souveraine­té.

Il y a pourtant péril en la demeure. Avec seulement 20% des intentions de vote, le PQ a atteint un creux historique qui l’éloigne considérab­lement du «chemin des victoires». Avec un tel résultat à la prochaine élection, il remportera­it à peine une quinzaine de sièges, presque exclusivem­ent en région. Sur l’île de Montréal, il serait supplanté par Québec solidaire. Son existence même serait remise en question par de nombreux militants qui appellerai­ent à une sorte de refondatio­n.

Si encouragea­nt que puisse être le sondage Léger–Le Devoir pour la CAQ, François Legault est bien placé pour savoir que rien n’est encore acquis. La situation actuelle a même un air de déjà-vu. Au moment de sa formation, en novembre 2011, la CAQ avait atteint un sommet toujours inégalé de 35 % et le PQ, un creux de 21 %.

À l’élection de septembre 2012, le PQ avait obtenu 32% des voix et remporté 54 circonscri­ptions. Avec 27 % des voix, la CAQ avait dû se contenter de 19 sièges. La différence était que QS avait recueilli seulement 6% des voix. Même si l’effet Gabriel Nadeau-Dubois s’est essoufflé, QS double aujourd’hui ce chiffre, essentiell­ement aux dépens du PQ.

M. Legault n’avait pas une si mauvaise équipe, à l’époque, avec les Jacques Duchesneau, Gaétan Barrette, Dominique Anglade, Christian Dubé, Maud Cohen et Gérard Deltell, entre autres.

Cela n’avait pourtant pas suffi à convaincre la population que la CAQ avait l’étoffe d’un gouverneme­nt. Nul doute que le sondage va lui fournir des arguments convaincan­ts pour courtiser des vedettes. Dans son magasinage, M. Legault devra notamment trouver un ministre des Finances et un ministre de la Santé.

Maintenant que la CAQ est en tête du peloton, ses faits et gestes seront surveillés avec beaucoup plus d’attention. Sortir des sentiers battus est sans doute une bonne chose, mais le changement que recherchen­t les électeurs ne doit pas ressembler à de l’incertitud­e.

La dégelée des libéraux dans LouisHéber­t était bel et bien annonciatr­ice de jours difficiles

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