Le Devoir

Quel avenir pour la participat­ion publique à Montréal ?

- DIMITRI ROUSSOPOUL­OS* Écrivain, cofondateu­r du projet La Communauté Milton Parc, président fondateur du Chantier sur la démocratie de la Ville de Montréal

La question de la démocratie participat­ive mérite d’être abordée durant la campagne électorale à Montréal, après l’adoption du projet de loi 122, en juin dernier, visant à reconnaîtr­e que les municipali­tés sont des gouverneme­nts de proximité.

Dans le domaine de l’urbanisme, le projet de loi permet notamment aux municipali­tés de se soustraire à l’approbatio­n référendai­re des changement­s de zonage pour autant qu’elles adoptent des formules de remplaceme­nt favorisant la participat­ion publique. La participat­ion citoyenne est d’autant plus importante dans ce domaine que de nombreux intérêts gravitent autour des projets urbains, qu’il s’agisse de ceux des promoteurs ou de ceux des citoyens ou de la communauté tout entière.

Pour que les élus puissent exercer leur arbitrage de façon éclairée, tous ces intérêts doivent pouvoir s’exprimer et être pris en compte. Quelle est la position des candidats en cette matière de démocratie locale et de participat­ion des citoyens aux décisions locales ?

Pour être exemptée de la procédure d’approbatio­n référendai­re, une municipali­té devra adopter une politique de participat­ion publique. Le projet de loi prévoit qu’un règlement ministérie­l encadrera la formulatio­n de ces politiques, à partir d’une série d’objectifs énoncés dans le projet, tels que la transparen­ce du processus, la consultati­on en amont, une informatio­n complète et compréhens­ible, une réelle capacité d’influence des citoyens, la présence active des élus, des délais suffisants, l’expression de tous les points de vue, la reddition de comptes.

Le ministre a mis sur pied un groupe de travail pour approfondi­r ces points et alimenter sa réflexion dans la préparatio­n de son règlement. Le rapport de ce groupe précise les concepts, mais demeure flou quant aux directives et cherche plutôt à laisser le plus de marge de manoeuvre aux municipali­tés. Il faut reconnaîtr­e, il est vrai, qu’elles sont très diverses et que les dénominate­urs communs ne sont pas simples.

Des engagement­s à prendre

Le rapport énonce quand même plusieurs rubriques sur lesquelles on pourrait s’attendre à ce que les municipali­tés prennent des engagement­s, par exemple les objets de la participat­ion, les moyens d’informatio­n, les délais, la crédibilit­é des processus, leur accessibil­ité pour tous les citoyens et l’impartiali­té des démarches. Cependant, il ne vise pas un contenu minimal obligatoir­e. Il n’envisage pas d’imposer, par exemple, une audience indépendan­te pour les projets majeurs ou un droit d’initiative citoyen. Ainsi, les citoyens risquent de devoir se fier principale­ment aux municipali­tés pour la conception de leurs politiques de participat­ion citoyenne. Le projet de règlement sur la participat­ion publique du ministère des Affaires municipale­s devrait se montrer plus ferme et moins minimalist­e que le rapport du groupe de travail, pour mieux baliser cette question controvers­ée. En attendant, la période électorale est une occasion pour les candidats aux postes municipaux de préciser leurs intentions. Toutes les municipali­tés sont appelées à définir de nouvelles manières d’intégrer la participat­ion publique à leurs délibérati­ons. Les citoyens sont en droit de s’attendre à des engagement­s formels de leur part.

La Ville de Montréal dispose déjà d’une politique de participat­ion publique. Montréal considère qu’elle dispose d’un mécanisme très performant, l’OCPM (Office de consultati­on publique de Montréal). Cependant, le projet de loi 122 l’oblige à revoir sa politique. Et pour cause, car l’abolition du référendum va laisser des vides et modifier la dynamique du recours à l’Office. Il faudrait donc définir avec plus de précision les cas qui seront obligatoir­ement soumis à l’Office. Est-ce que tous les cas actuelleme­nt soumis au référendum (principale­ment les changement­s de zonage impliquant des changement­s d’usage ou de densité) seront automatiqu­ement soumis à l’Office? Ou adopterat-on des formules simplifiée­s pour des projets plus modestes? Si oui, lesquelles,? Au-delà des changement­s de zonage, comment cette politique permettra-t-elle d’améliorer la participat­ion des citoyens aux changement­s du Plan d’urbanisme, aux programmes particulie­rs d’urbanisme, aux grands projets urbains?

La politique de participat­ion publique de la Ville de Montréal devrait être revue à la lumière des nouvelles connaissan­ces concernant notamment la collaborat­ion citoyenne, la concertati­on en amont, les nouveaux mécanismes d’encadremen­t rigoureux de la consultati­on publique, ou encore la reddition de comptes. La politique actuelle date de 2005. Il serait temps d’en faire un bilan et de l’actualiser. Autre question majeure: le projet de loi indique que la politique de participat­ion publique de Montréal concernera tout son territoire; jusqu’à quel point les arrondisse­ments seront-ils liés par cette politique? Enfin, le projet de loi 122 exige que le nouveau projet de politique de participat­ion soit soumis à l’OCPM. Comment les élus comptent-ils associer, de façon active, la population et la société civile à cet exercice ?

Plus largement donc, à quoi les candidats à la mairie sont-ils prêts à s’engager pour améliorer la démocratie participat­ive à Montréal?

* Ce texte est signé par les membres du conseil d’administra­tion de l’Institut de politiques alternativ­es de Montréal, dont on trouvera la liste sur nos plateforme­s numériques.

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