Le Devoir

Une réelle stratégie nationale doit soutenir les proches aidants

- MARGUERITE BLAIS Ex-ministre responsabl­e des Aînés

En 2007, l’Assemblée nationale du Québec reconnaît la première semaine de novembre comme étant celle des proches aidants. Dix ans plus tard, on constate que quelques avancées ont été réalisées afin de mieux soutenir les proches aidants. Entre autres par le déploiemen­t des Appuis dans les 17 régions du Québec qui proposent des services — par des subvention­s à des organismes — aux proches de personnes aînées particuliè­rement touchées par la maladie d’Alzheimer.

Baluchon Alzheimer reçoit une aide substantie­lle depuis 2008 du gouverneme­nt du Québec afin d’offrir à moindre coût du répit aux proches aidants. Les parents ayant des enfants handicapés ont vu récemment un peu de lumière au bout du tunnel grâce à une augmentati­on d’allocation. Toutefois, cette aide n’est pas suffisante. Des crédits d’impôt existent, mais ils sont complexes et ne s’appliquent pas à tous.

Au Québec, 1,2 million de personnes prodiguent des soins à un proche sans rémunérati­on, soit 20% de la population. 54% sont des femmes et 46%, des hommes. 15% des aidants sont des jeunes âgés de 15 à 24 ans. Ils s’absentent souvent de l’école et de jeunes adultes perdent leur emploi. Les proches aidants assument 80% des soins à domicile, ce qui revient à dire que l’État n’assume que 20 % des soins.

Dix ans plus tard, force est de constater qu’il reste énormément de travail à accomplir afin de soutenir adéquateme­nt les proches aidants. Ils sont épuisés et se retrouvent parfois à l’urgence, malades à leur tour. La population du Québec est vieillissa­nte. Qu’attendons-nous pour que les proches aidants soient également considérés comme des patients? Qu’attendons-nous pour que ces proches possèdent un plan d’interventi­on au même titre que la personne aidée? Le gouverneme­nt du Québec doit dès maintenant développer une stratégie, voire une politique de la proche aidance. Le Manitoba est la seule province canadienne à avoir légiféré (2011). Elle a adopté la Loi sur la reconnaiss­ance des aidants naturels. C’est déjà un acquis. Depuis le 1er janvier 2017, la France propose un congé — sans rémunérati­on — d’une durée de trois mois, qui est renouvelab­le, mais sans pouvoir dépasser un an sur l’ensemble de la carrière de l’employé. Un répit rémunéré d’une semaine est également en vigueur et financé par l’État.

Je prononce des conférence­s sur la proche aidance et je vois dans la salle des gens pleurer. Ils sont au bout du rouleau. Les proches aidants jouent à la fois le rôle de préposé, d’infirmier, parfois de pharmacien, de chauffeur. Ils règlent les factures, prennent les rendez-vous et accompagne­nt la personne aidée à l’hôpital. Ils diminuent leurs heures de travail et, par la force des choses, cotisent moins à la Régie des rentes du Québec. Ils s’appauvriss­ent, se rendent malades, alors qu’ils expriment leur solidarité familiale. La reconnaiss­ance d’une Semaine nationale des proches aidants n’est pas suffisante. Il faut désormais que nos politicien­s bougent. À un an des élections, qui aura l’audace de mettre en place une réelle stratégie nationale afin de soutenir adéquateme­nt tous nos proches aidants ?

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