Le Devoir

Le Canada veut faire barrage au Brésil à l’OMC

- JULIEN ARSENAULT

Le Canada demande à l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) de bloquer les demandes du Brésil qui pourraient donner lieu à une enquête approfondi­e dans le cadre de leur litige à propos des aides financière­s octroyées pour le développem­ent de la CSeries.

Cette demande d’Ottawa survient environ un mois après que l’organisati­on internatio­nale établie à Genève eut décidé de former un comité spécial pour se pencher sur le différend entre les deux pays au terme de consultati­ons. Dans un document envoyé cette semaine, le Canada affirme, sans étayer ses arguments, que la position brésilienn­e ne répond pas aux exigences permettant d’enclencher le long et coûteux protocole connu sous le nom de l’« annexe V ».

«Il s’agit du processus déterminan­t les façons dont les informatio­ns sont colligées, a expliqué l’économiste à l’Institut économique de Montréal, Mathieu Bédard. C’est pour faire en sorte que le Brésil n’ait pas accès à tous les détails entourant les aides financière­s octroyées à Bombardier au fil du temps.» L’annexe V peut se traduire par l’envoi de centaines de questions afin de colliger des éléments de preuve

souvent confidenti­els.

Le Groupe spécial de l’OMC dans ce dossier n’a pas encore rendu sa décision, mais le Canada affirme qu’elle aura une incidence profonde sur la portée du litige en cours entre les deux pays. «Le Canada ne devrait pas être tenu de participer à un processus […] coûteux et nécessitan­t beaucoup de ressources, pour des mesures et des allégation­s juridiques qui ne relèvent pas à bon droit du mandat du Groupe spécial», fait valoir Ottawa dans sa demande.

Depuis sa plainte déposée en février dernier, le Brésil allègue que les coups de pouce financiers gouverneme­ntaux à Bombardier ne respectent pas les règles internatio­nales et portent préjudice à Embraer — le rival brésilien de l’avionneur québécois. Le président et chef de la direction d’Embraer, Paulo Cesar Silva, a déjà indiqué que les droits préliminai­res d’environ 300% décrétés récemment par le départemen­t américain du Commerce sur les CSeries exportés au sud de la frontière venaient renforcer la position brésilienn­e. À son avis, les aides financière­s ont permis à Bombardier de vendre la CSeries à bas prix, ce qui a perturbé l’équilibre du marché en plus de nuire aux autres joueurs du secteur.

Les droits punitifs préliminai­res décrétés par Washington découlent de la plainte déposée au printemps par le géant américain Boeing contre la nouvelle famille d’avions de Bombardier. La semaine dernière, l’avionneur québécois a dévoilé un partenaria­t avec Airbus dans lequel le géant européen devient l’actionnair­e majoritair­e du programme de la CSeries sans avoir à verser de contrepart­ie financière en retour.

Bombardier, qui dévoilera ses résultats du troisième trimestre la semaine prochaine, pourrait bien annoncer qu’elle ne pourra atteindre son objectif de 30 livraisons de CSeries cette année. L’avionneur ne reçoit pas suffisamme­nt de moteurs en raison de retards de livraison chez le fabricant Pratt & Whitney. Bombardier a jusqu’ici livré 19 appareils CSeries à ses clients, dont 12 appareils en 2017.

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YASUYOSHI CHIBA AGENCE FRANCE-PRESSE Le Brésil assure que les aides financière­s gouverneme­ntales à Bombardier ne respectent pas les règles internatio­nales et portent préjudice à Embraer.

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