Le Devoir

Murray Goulburn pourrait servir de tremplin à Saputo

- JULIEN ARSENAULT

En avalant le premier producteur laitier d’Australie, Saputo ne devient pas seulement le joueur dominant de ce marché: le transforma­teur laitier s’offre aussi un tremplin vers l’Asie, estiment les analystes.

L’entreprise québécoise a conclu une entente pour acquérir Murray Goulburn pour 1,29 milliard $CAN — un montant qui tient compte de la dette — au terme du processus de révision amorcé par la coopérativ­e australien­ne en juin dernier.

«Bien que cette transactio­n comporte plus de risques par rapport aux acquisitio­ns précédente­s, elle pourrait permettre à Saputo de s’établir comme un acteur important dans la région de l’Asie-Pacifique, où l’on anticipe une augmentati­on de la consommati­on de produits laitiers pour encore plusieurs années», a estimé l’analyste Keith Howlett, de Desjardins Marchés des capitaux, vendredi, dans une note.

Au lendemain de l’annonce, les investisse­urs réagissaie­nt favorablem­ent, puisque l’action de Saputo a gagné 2,57 $, ou 5,7 %, pour clôturer à 47,48 $ à la Bourse de Toronto. Le titre de la multinatio­nale québécoise — qui divulguera ses résultats du deuxième trimestre le 2 novembre — n’avait pas franchi la barre des 46$ depuis avril en plus d’avoir clôturé à un creux annuel de 39,95 $ en juillet.

Déjà présente aux États-Unis ainsi qu’en Argentine, Saputo avait mis le pied dans le marché australien en 2014 grâce à l’acquisitio­n de Warrnamboo­l Cheese & Butter (WCB). Bega Cheese, qui convoitait également WCB il y a quelques années, était sur les rangs pour tenter de mettre la main sur la coopérativ­e Murray Goulburn, avant de décider de se retirer au cours de la semaine.

Murray Goulburn, qui compte environ 2300 employés, exploite 11 usines de fabricatio­n en Australie ainsi qu’en Chine — un marché dans lequel Saputo n’est pas encore présente — générant des recettes annuelles d’environ 2,5 milliards $CAN. Près de 80% des exportatio­ns de produits laitiers de l’Australie sont à destinatio­n de l’Asie.

D’après Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux, la combinaiso­n des deux entités représente un peu moins de la moitié du marché laitier australien. «Il s’agit d’une plateforme considérab­le avec un accès direct aux marchés asiatiques, où les taux de croissance sont plus élevés, écrit l’analyste dans un rapport. Il y avait des tensions entre Murray Goulburn et ses producteur­s, mais nous croyons que Saputo est en mesure de redresser cette situation. »

M. Sklar calcule que Saputo paie environ 16,5 fois le bénéfice avant intérêt, impôts et amortissem­ent de Murray Goulburn pour les 12 derniers mois. La coopérativ­e australien­ne — cotée à la Bourse australien­ne — tourne toutefois la page sur une année 2016-2017 qui s’est avérée décevante, alors qu’elle a affiché une perte nette de quelque 370 millions $CAN.

Des critiques

L’accord avec Saputo a été dévoilé avant l’assemblée annuelle de Murray Goulburn, qui se déroulait à Melbourne. Le président et chef de la direction de Saputo, Lino Saputo fils, qui n’était pas disponible pour accorder des entrevues, n’était pas présent à l’événement.

Pendant l’assemblée, des fermiers ainsi que des actionnair­es ont critiqué les dirigeants de Murray Goulburn, déplorant que le contrôle de la coopérativ­e passe entre les mains d’un joueur étranger. Au cours de la période des questions, certains ont notamment estimé qu’il y avait eu un manque de respect à l’endroit des membres de la coopérativ­e, qui, semble-t-il, ignoraient que les discussion­s avec Saputo étaient très avancées. Paul Mundy a notamment interpellé les dirigeants de Murray Goulburn en affirmant qu’ils n’avaient pas pris suffisamme­nt de décisions difficiles pour redresser la situation du transforma­teur laitier australien.

Le président de Murray Goulburn, John Spark, a quant à lui défendu la décision prise par le conseil d’administra­tion, qui appuie la transactio­n. «Malheureus­ement, nous avons dû prendre une décision qui n’est pas très populaire, a-t-il répondu aux actionnair­es. Nous agissons dans l’intérêt supérieur de nos actionnair­es. Ultimement, la décision se trouve entre leurs mains puisque c’est eux qui doivent voter sur la propositio­n. »

Si tout se déroule comme prévu, la clôture de la transactio­n devrait avoir lieu au cours de la première moitié de 2018. Irene Nattel, de RBC Marché des capitaux, a souligné qu’il était possible que Murray Goulburn reçoive d’autres offres, ajoutant que Saputo aurait alors cinq jours ouvrables pour les égaler.

Moody’s a réservé un accueil moins favorable à la transactio­n, estimant qu’elle aurait une incidence négative sur la dette de Saputo. L’agence de notation n’est toutefois pas allée jusqu’à modifier la cote de crédit de l’entreprise.

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CARRIE ANTLFINGER ASSOCIATED PRESS Murray Goulburn exploite 11 usines de fabricatio­n en Australie ainsi qu’en Chine.

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