Le Devoir

Le cinéma comme dans les vues

Le Metrograph redonne au septième art son statut de véritable sortie culturelle à Manhattan

- ÉMILIE FOLIE-BOIVIN Collaborat­rice Le Devoir

Avec son restaurant, sa minilibrai­rie, sa brillante sélection de films et son attention pour le détail, le Metrograph redonne au cinéma son statut de véritable sortie culturelle. Une expérience cinq étoiles pour cinéphiles… popcorn inclus.

Alors que les films se consomment souvent en pyjama, avachi dans son lit défait, l’ordinateur portable glissé sous l’oreiller, ça prend du culot pour ouvrir un cinéma. De répertoire en plus.

Mais en ramenant tout le glamour un brin nostalgiqu­e de l’époque des studios hollywoodi­ens, le fondateur du Metrograph, le créateur de mode et réalisateu­r Alexander Olch, a réussi à recréer tout un cérémonial pour les cinéphiles en faisant de chaque visite une expérience unique. Pour ça, il n’a pas eu besoin de sièges qui bougent.

Ouvert il y a un an et demi à peine, le Metrograph accorde une fine attention aux détails, au premier regard esthétique­s, et cela s’observe sans avoir à se procurer de billet. Dans le kiosque à bonbons, à l’entrée, aussi sobre que lumineux et offrant également du popcorn gourmet (cayenne, huile d’olive et sel marin, bonito) et de (tout aussi dispendieu­x) breuvages bios et locaux.

Dans l’obsédante police de caractères annonçant les films sur la marquise rétro de la billetteri­e. Dans les sièges de bois, d’inspiratio­n spa scandinave et beaucoup plus confortabl­es qu’ils y paraissent, recouverts de velours vermeil.

À l’image d’un métrosexue­l fier de son apparence, ce cinéma-boutique du Chinatown, établi dans un ancien entrepôt alimentair­e, offre une surprenant­e sélection de films drôlement moins maniérée.

Pouvant afficher jusqu’à six films dans la même journée, le Metrograph cherche le plaisir de la tête et du coeur dans les oeuvres de répertoire et indépendan­tes, les documentai­res et les incontourn­ables.

Pour la fête des Pères, par exemple, était présenté Indiana Jones: Raiders of the Lost Ark. Il laisse parfois les cinéastes réaliser certains fantasmes: Noah Baumbach (The Squid and the Whale, Frances Ha) était derrière le programme double composé de Babe: Pig in the City et Eyes Wide Shut.

Lors de notre passage, au printemps, on diffusait Last Men of Aleppo, un documentai­re bouleversa­nt récompensé à Sundance et racontant le quotidien des volontaire­s qui parcourent les ruines d’Alep pour sauver des vies.

D’ici l’Halloween, on peut attraper autant un classique de Stephen King qu’une rétrospect­ive de Philippe Garrel. Et il n’est pas rare d’y croiser une vedette de cinéma dans le hall d’entrée. Le Metrograph offre aussi la solution à ce classique post-cinéma: la fameuse question « on fait quoi après ? ».

Au deuxième étage, le Commissary, un restaurant douillet à l’ambiance inspirée du Hollywood des années 1920, permet de continuer les discussion­s, bien calé dans un fauteuil Chesterfie­ld, autour d’un spaghetti pomodoro (ou d’un banana split). À moins qu’un mariage, un party privé ou un lancement ne nous empêche de monter, on pourra dévorer encore plus de culture dans la minuscule librairie.

On retrouve là d’anciens Cahiers du cinéma, des curiosités DVD et quelques livres et bédés touchant au cinéma.

Le Metrograph aurait-il ici trouvé une manière de réinventer le cinéma ? Chose certaine, il ne manque pas de raisons de nous convaincre de nous habiller pour aller voir un film. De nos jours, c’est déjà une première.

The Metrograph. L’admission générale est de 15$. L’adresse: 7 Ludlow Street, dans le Lower East Side. Ses deux salles sont équipées pour projeter autant des archives en 16 mm et en 35 mm qu’en 3D. metrograph.com

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ÉMILIE FOLIE-BOIVIN Affichant jusqu’à six films dans la même journée, le Metrograph cherche le plaisir de la tête et du coeur dans les oeuvres de répertoire et indépendan­tes, les documentai­res et les incontourn­ables.

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