Le Devoir

Le bon vieux temps

Francis Leclerc offre une vision idyllique de l’enfance de son père

- MANON DUMAIS Collaborat­rice Le Devoir

PIEDS NUS DANS L’AUBE ★★★

Chronique de Francis Leclerc. Avec Justin Leyrolles-Bouchard, Julien Leclerc, Roy Dupuis, Catherine Sénart, Guy Thauvette, Marianne Fortier, Robert Lepage, Claude Legault et Mickaël Gouin. Canada (Québec), 2017, 114 minutes.

La Tuque, 1926. À douze ans, Félix Leclerc (Justin Leyrolles-Bouchard) a un bel avenir devant lui. Élève doué pour les arts et lettres, il ne suivra pas les traces de son père (Roy Dupuis), marchand de bois, ni de son grand-oncle Richard (Guy Thauvette), qui fut pionnier. À contrecoeu­r, il devra toutefois quitter le doux confort de la grande maison familiale, où règne avec une douce autorité sa mère (Catherine Sénart), afin d’aller faire son cours classique au collège d’Ottawa, ce qu’il n’ose encore annoncer à son meilleur ami Fidor (Julien Leclerc), qui vit dans la misère et ne fréquente pas l’école aux pupitres vernis.

Pour son retour au cinéma après presque dix ans d’absence, au cours desquels il fait sa marque au petit écran, Francis Leclerc (Apparences, Les beaux malaises) transpose avec le plus grand respect qui soit le premier roman de son illustre père. De fait, bien qu’il en bouscule la chronologi­e, en expulse quelques personnage­s marquants, on retrouve intacte l’essence de ce récit d’apprentiss­age au souffle lyrique où le grand poète et chansonnie­r partageait ses souvenirs d’enfance, de l’insoucianc­e à la perte de l’innocence.

Écrit avec le conteur Fred Pellerin, dont on reconnaît l’humour coloré dans certains passages, notamment celui du chic banquet chez les Anglais, Pieds nus dans l’aube est une lumineuse chronique aux sublimes images bucoliques (gracieuset­é du directeur photo Steve Asselin) épousant le rythme lent du défilement des saisons. En communion avec la nature, bercé par les airs de Schubert de sa soeur pianiste, le jeune Félix observe sagement le monde des adultes.

Nostalgie

À défaut de grands ressorts dramatique­s, Francis Leclerc propose un enchaîneme­nt d’événements anodins, en apparence, où l’on croise des personnage­s pittoresqu­es. Défilent ainsi le truculent oncle Rodolphe (Robert Lepage) — dont les récits sur Québec évoquent Une jeune fille à la fenêtre, premier film de Leclerc, où le réalisateu­r s’inspirait du destin de sa tante —, le brave forgeron au destin malheureux (Claude Legault), le barbier bourreau des coeurs (Mickaël Gouin) et la belle et bienveilla­nte garde Lemieux (Marianne Fortier).

Offrant une vision idyllique, voire muséale du passé, célébrant solennelle­ment la nature, la famille, l’amitié et la charité chrétienne, Pieds nus dans l’aube apparaît en cette sombre période aux lendemains incertains comme un ovni anachroniq­ue pour les nostalgiqu­es du bon vieux temps.

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LES FILMS SÉVILLE Le réalisateu­r célèbre ici la nature, la famille, l’amitié et la charité chrétienne.

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