Le Devoir

Pour une école réellement inclusive

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Au Québec, la proportion d’élèves fréquentan­t l’école privée francophon­e a quadruplé depuis 1970. Ils sont aujourd’hui 12%. Ce taux est de loin supérieur à la moyenne canadienne actuelle, qui est de 6 %. Rappelons qu’au Canada, cinq provinces financent les établissem­ents privés: le Québec, le Manitoba, la Saskatchew­an, l’Alberta et la Colombie-Britanniqu­e. Le financemen­t varie selon la province de 50 à 70% de la subvention accordée aux écoles publiques par élève.

Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE), affirme que, si « l’on considère, en plus, ceux qui fréquenten­t les écoles publiques à projets particulie­rs, ce sont près de la moitié des élèves du Québec qui ont déserté la salle de classe ordinaire». Par «projets particulie­rs», on désigne les programmes de type arts-études ou sports-études, très populaires dans le réseau public, et prisés par les parents. Pourtant, estime le président de la FAE, ces écoles à projets particulie­rs ne s’inscrivent pas dans la mission de l’école publique québécoise : «Il y a cinquante ans, on s’est doté d’un réseau d’écoles publiques pour permettre aux Québécois de sortir de l’état de sous-scolarisat­ion dans lequel ils se trouvaient. On a alors voulu une école publique accueillan­t tous les élèves et assurant la mixité sociale. »

Mettre fin à la réforme

M. Mallette affirme cependant qu’on se retrouve aujourd’hui dans une situation où l’école publique elle-même entretient la discrimina­tion. Il explique que, pour concurrenc­er le réseau des écoles privées, qui vit grassement

des subvention­s du ministère, les écoles publiques se lancent dans la mise en place de projets pédagogiqu­es particulie­rs qui ne visent pas à accueillir tous les élèves, mais plutôt à en exclure certains.

«On se retrouve dans cette spirale parce qu’il y a un manque de courage politique et qu’on refuse de mettre fin au financemen­t public des écoles privées », affirme le président. Les raisons qui incitent les parents à choisir le privé pour leurs enfants sont multiples. Sylvain Mallette croit toutefois «qu’au cours des vingt dernières années, avec la réforme de l’éducation, le ministère de l’Éducation s’est servi de l’école publique comme d’un immense laboratoir­e. Les parents ne veulent pas que leur enfant se voie privé de ressources et de services».

Il soutient que l’on doit mettre fin à la réforme et revenir aux apprentiss­ages essentiels, celui des savoirs, tout en tenant compte du fait que le monde a évolué. Le président donne l’exemple d’élèves scolarisés dans un programme de concentrat­ion musique et qui doivent, pour y être admis, maîtriser préalablem­ent un instrument. Ne vaudrait-il pas mieux mettre en place un programme d’initiation à la musique qui permettrai­t aux enfants qui n’ont pas accès à la culture à la maison de vivre cette expérience? questionne-t-il. Ainsi, selon lui, l’école publique procéderai­t sans exclure d’enfants.

Un élève qui fréquente le privé coûte moins cher au gouverneme­nt que celui qui est inscrit au public. À ceux qui prétendent que la fin du financemen­t du privé serait une dépense pour le gouverneme­nt, Sylvain Mallette répond que c’est faux.

« On sait qu’à peu près la moitié des élèves qui fréquenten­t le privé reviendrai­ent dans le public, affirme-t-il. Finalement, on économiser­ait. La fin du financemen­t, c’est une mesure d’économie. »

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