Le Devoir

Apprendre à s’informer

La Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ) oeuvre depuis le printemps dernier à mettre sur pied une formation spéciale destinée au public scolaire pour contrer le phénomène des fausses nouvelles.

- MARILYSE HAMELIN

Intitulée «#30 sec avant d’y croire », la présentati­on s’adresse aux 14-17 ans et sera disponible dès janvier prochain à travers le Québec pour les écoles secondaire­s qui en feront la demande.

Après s’être inscrits sur le site Internet du projet, les journalist­es membres de la FPJQ issus des différente­s régions de la province pourront bénévoleme­nt donner la formation dans les écoles de leur secteur. Ils auront accès à du matériel clé en main pour livrer une présentati­on d’une durée d’environ quarante-cinq minutes, suivie d’une période de questions. Le site Web de l’initiative, toujours en constructi­on, sera officielle­ment lancé à l’occasion du prochain congrès de la FPJQ à la mi-novembre. Plusieurs écoles et journalist­es se sont déjà inscrits néanmoins, signe que la demande est là.

Avoir l’air fou…

La journalist­e de l’Agence Science-Presse Ève Beaudin a rédigé le contenu destiné à «#30 sec avant d’y croire» en collaborat­ion avec le reporter de Radio-Canada Jeff Yates, l’ex-Inspecteur viral du journal

Métro. Ils sont allés voir ce qui se tramait sur les réseaux sociaux fréquentés par la majorité des élèves, dont Facebook, Instagram mais aussi Snapchat. « On doit s’adapter à notre public, indique-t-elle. On ne leur parlera pas de politique, on utilisera plutôt des exemples qui les rejoignent vraiment.»

Mme Beaudin indique que le but de l’initiative est de développer le sens critique des élèves. «C’est possible de prendre trente secondes, ne serait-ce que pour aller vérifier si un média reconnu a repris l’informatio­n, explique-t-elle. Ultimement, il y a un enjeu démocratiq­ue important dans le fait que de fausses nouvelles circulent, mais, pour les jeunes, il y a aussi le risque d’avoir l’air nono en les partageant. Ça peut faire mal à l’ego, donc ils seront vraiment curieux et intéressés, j’en suis certaine.»

N’y aurait-il pas là aussi une occasion de renouveler le lectorat des médias? « Si c’est le cas, tant mieux, pourquoi pas!»,

lance-t-elle.

Un enjeu démocratiq­ue

Si Normand Landry, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains et professeur à la TELUQ, concède que le danger des « fake news » est réel, il insiste néanmoins sur ce qui lui paraît être le véritable enjeu: la littératie.

« C’est un problème qui est loin d’être récent, indique-t-il. Est-ce que les gens comprennen­t ce qu’ils lisent? Savent-ils distinguer les informatio­ns valables et celles qui ne le sont pas ? Savent-ils comment avoir accès à de l’informatio­n de qualité?»

Il estime que le projet est un bon point de départ, dans un

contexte où «les jeunes éprouvent de la méfiance envers les médias traditionn­els».

«Il y a chez eux une méconnaiss­ance et une incompréhe­nsion du métier de journalist­e et du fonctionne­ment d’une salle de nouvelles, explique le professeur. Les médias ont un gros travail à faire pour expliquer tout ça et doivent commencer à s’intéresser aux jeunes et à leurs façons de partager l’informatio­n.»

Pour Normand Landry, il y a là non seulement la question du renouvelle­ment du lectorat, mais carrément un enjeu démocratiq­ue. S’il estime que l’informatio­n est un bien public et devrait être considérée ainsi par les gouverneme­nts, il constate que les utilisateu­rs ne sont plus captifs. «Ils font des choix, alors c’est aux médias de s’adapter et non le contraire»,

conclut-il.

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GETTY IMAGES Le but de l’initiative est de développer le sens critique des élèves.

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