Le Devoir

La légalisati­on du cannabis, un thème oublié qui tracasse les municipali­tés.

Les nouveaux élus seront-ils prêts une fois au pouvoir ?

- THIERRY HAROUN à Percé Collaborat­ion spéciale

Au sortir de l’élection du 5 novembre, les élus seront rapidement confrontés à un enjeu de taille dont il n’a pas été question en campagne électorale: les conséquenc­es financière­s de la légalisati­on du cannabis. C’est la raison pour laquelle la Fédération québécoise des municipali­tés tire la sonnette d’alarme en avisant ceux et celles qui seront élus de se tenir fin prêts, car la facture pourrait être salée, d’autant que le temps presse.

«C’est vrai qu’il n’en a pas été question lors des débats en campagne électorale», constate le président de la Fédération québécoise des municipali­tés (FQM), Richard Lehoux. « On sait qu’à partir du 5 novembre, les élus, et 40 % à 45 % seront des nouveaux venus en politique, seront rapidement mis à contributi­on dans ce dossier parce qu’on apprend que Québec entend déposer son projet de loi vers la mi-novembre», dit-il. Cette approche monopolist­ique réjouit M. Lehoux puisque cela fait partie de l’une des recommanda­tions de la FQM qu’on peut lire dans un document intitulé Commentair­es de la FQM: loi-cadre sur la légalisati­on du cannabis, daté du 18 septembre dernier. Reste que c’est la seule chose qui le réjouit pour l’instant, car ce sont les conséquenc­es financière­s pour les municipali­tés au titre de l’applicatio­n de la loi à venir qui l’inquiètent. Des zones grises qui devront être éclaircies le plus rapidement possible, selon lui. C’est la raison pour laquelle il a décidé de faire une sortie publique afin de lancer une réflexion et «d’allumer quelques lumières », car la facture pourrait être salée au bout du compte pour les municipali­tés si la vigilance n’est pas au rendez-vous.

«Nous, ce qu’on dit aux élus c’est ceci: “pensezy parce que c’est quelque chose qui s’en vient”. Il faut rester aux aguets, car, une fois l’élection passée, c’est un dossier important qu’on devra traiter rapidement avec les élus, d’autant qu’on ne connaît pas encore les responsabi­lités qui seront confiées aux municipali­tés. C’est pour ça que nous avons décidé d’allumer quelques lumières en précisant que, s’il y a des coûts qui seront engendrés en lien avec la sécurité publique et la prévention, il y a des sommes d’argent qui devront suivre », avertit M. Lehoux. Et pas question pour lui de subir le «pelletage de Québec» si Ottawa renvoie la facture à Québec avec sa propre loi-cadre attendue avant juillet prochain.

L’argent: le nerf de la guerre

Dans les faits, lors des négociatio­ns entre Québec et les municipali­tés, le nerf de la guerre concernera la redistribu­tion des revenus, si redistribu­tion il y a. Tout cela reste à voir. Chose certaine, la FQM y tient mordicus. D’ailleurs, l’une de ses recommanda­tions est en ce sens explicite: «Établir avec les municipali­tés un processus de répartition équitable des revenus de la vente du cannabis et qui leur permettra d’exécuter efficaceme­nt leurs nouvelles responsabi­lités en matière d’encadremen­t du cannabis.» Or, à ce titre, la FQM nous a précisé par courriel « que les coûts supplément­aires que pourrait entraîner le projet de loi en regard de la sécurité publique concernera­ient principale­ment la hausse des effectifs de la SQ nécessaire à l’applicatio­n de la loi. Cette hausse engendrera­it des coûts supplément­aires aux municipali­tés. Toujours en fonction du projet de loi qui serait présenté, les municipali­tés pourraient devoir assumer un rôle de vérificati­on qui serait confié aux inspecteur­s municipaux. Il faudrait donc augmenter leur nombre, ce qui, vous en conviendre­z, augmentera aussi les coûts assumés par les municipali­tés. » Impossible toutefois pour la FQM de chiffrer la facture éventuelle pour l’instant.

Réactions en Gaspésie

Pas question pour la mairesse sortante de Chandler, Louisette Langlois, d’assumer l’ardoise de la SQ en lien avec l’applicatio­n de la loi à venir sans avoir l’assurance que Québec versera aux municipali­tés les sommes conséquent­es. « Non, il n’en est pas question. Et je suis entièremen­t d’accord avec la position de la FQM dans ce dossier. Notre facture de la SQ est passée de 200 000$ en 2010 à environ 585 000$ l’an dernier ! », rappelle-t-elle. Une hausse qui n’est pas étrangère, en partie, à la fusion forcée des municipali­tés édictée par Québec menant au grand Chandler (qui englobe désormais cinq anciennes municipali­tés).

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JOHN LOCHER ASSOCIATED PRESS Les conséquenc­es financière­s de la légalisati­on du cannabis pour les villes demeurent encore inconnues.

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