L’ADISQ ENTÉRINE, CONFIRME… ET SURPREND !
Ce fut bel et bien le gala des pressentis: à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, et par la fenêtre télévisuelle radio-canadienne, on a dûment récompensé les Klô Pelgag (notre photo) et Daniel Bélanger. Mais l’ADISQ a aussi ravi en faisant la part belle à Safia Nolin et à Patrice Michaud, proclamés nouveaux «interprètes de l’année».
Safia Nolin a été consacrée «interprète féminine» de l’année. Au relatif ahurissement de quelques-uns, au plus grand ravissement de tous les autres. Oui, surprise. Vraie surprise. Les observateurs voyaient déjà Klô Pelgag revenir au podium pour un quatrième Félix en deux galas (incluant le «premier gala» de jeudi dernier, où son album L’étoile thoracique avait été bombardé «album de l’année – alternatif» et «choix de la critique »). Après avoir été choisie par un très sélect comité dans la très prestigieuse et significative catégorie «auteur ou compositeur de l’année », préférée à Daniel Bélanger, Alaclair Ensemble, Avec pas d’casque et Peter Peter, on imaginait l’incroyable et inénarrable Klô triomphatrice absolue.
Mais voilà, c’est Safia qu’on a élue. Elle n’en revenait pas, vous pensez bien. Sûr et certain qu’elle a voté pour son idole avouée et assumée: Céline Dion. La victoire est majeure, surtout quand on se rappelle les réactions très polarisées de l’an dernier, alors qu’elle était repartie avec le Félix de la «révélation de l’année ». Céline a néanmoins eu son trophée, celui de « l’album de l’année – adulte contemporain », qui s’ajoutait à celui – mathématique – de l’album le plus vendu, décerné jeudi. L’idole de Safia n’est pas retournée bredouille à Las Vegas. Tant mieux, ça lui aurait fait de la peine.
Le nouveau fédérateur
On n’avait pas non plus vu dans les cartes que Patrice Michaud sortirait de la salle Wilfrid-Pelletier avec un Félix dans chaque main: c’est lui l’interprète masculin de l’année, et sa Kamikaze, la chanson de l’année. Ce n’est pas rien. C’est même un double symbole : le gars de Cap-Chat est bigrement fédérateur, et son art chansonnier atteint ce point de confluence où le grand public, les collègues et les gens du métier se retrouvent. Impossible de ne pas constater en même temps que dans ces catégories majeures (interprète, chanson, auteur ou compositeur), Daniel Bélanger a fait chou blanc. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’a pas aimé le Daniel Bélanger de l’album Paloma : à lui le Félix de l’« album de l’année – pop» et celui du «spectacle de l’année – auteur-compositeur-interprète ». Des onze nominations obtenues au départ, c’est à la fois peu et beaucoup : pas plébiscité, pas ignoré non plus.
Motifs de réjouissance ? Que le Félix du «groupe ou duo de l’année » soit décerné aux Soeurs Boulay, après l’année des 2Frères, que l’irrépressible et frétillant Émile Bilodeau s’impose en tant que « révélation de l’année», que l’album Les frères cueilleurs du groupe Alaclair Ensemble trône en hip-hop, que l’adaptation québécoise de la comédie musicale Mary Poppins l’emporte parmi les spectacles d’interprètes: c’était partout le choix idoine. Et ça disait à quel point cette industrie si malmenée continue de proposer le meilleur en tous genres.
Le numéro d’introduction du gala en faisait l’éclatante démonstration: c’est Alaclair Ensemble qui a lancé l’affaire, en nommant tous les rappeurs d’ici. La distance avec celle qui suivait, Charlotte Cardin, au piano, chantant Faufile, et puis un petit bout de Rêver mieux, de Daniel Bélanger, était aussi grande que le paysage de notre chanson : le Daniel en question a enchaîné avec Il y a tant à faire, et Charlotte a chanté avec lui. Et tout un choeur façon Armée rouge. Bel effet d’amplitude et d’envergure.
Louis-José Houde en a remis une couche. Il aurait fallu compter le nombre de chanteurs et de chanteuses mentionnés dans son monologue d’ouverture: ça devait dépasser la quarantaine, de Richard Séguin à Marie-Ève Janvier, d’Alex Nevsky à Safia Nolin. On appelle ça ratisser large.
Le doux salut
Et pour notre cher Leonard Cohen tant aimé et tant regretté, le Félix honorifique s’ajoutait aux deux de jeudi soir, celui de «l’artiste québécois s’étant le plus illustré à l’étranger » et celui du meilleur album anglophone pour You Want It Darker. Tous trophées qu’il aurait pu recevoir de son vivant: avez-vous vu notre élégant homme sourire très légèrement sur les portraits qui magnifient désormais son visage sur deux grands murs de Montréal? Un doux regard s’est posé sur la Place des Arts, et il a rencontré les nôtres. Lire aussi › Le compte rendu complet de la soirée par Sylvain Cormier sur toutes les plateformes numériques du Devoir.