Le Devoir

Une grossière diversion

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L ’arrestatio­n du député libéral Guy Ouellette, sans qu’aucune accusation soit portée contre lui, a semé la consternat­ion à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Cette affaire nébuleuse, qu’il sera impossible de tirer au clair à brève échéance, relance le débat sur la responsabi­lisation de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC).

Plus le temps passe et plus s’amenuise l’espoir que le projet «Mâchurer», portant sur le financemen­t illégal du Parti libéral du Québec (PLQ) sous Jean Charest, trouve son aboutissem­ent.

L’arrestatio­n de l’ancien policier Guy Ouellette, député de Chomedey, est une grossière diversion. Il aurait été en lien avec un policier et un ex-policier soupçonnés d’avoir divulgué aux médias des informatio­ns névralgiqu­es sur le projet Mâchurer. L’UPAC a dit vouloir «sécuriser des éléments de preuve» et empêcher que des infraction­s soient commises à nouveau. Traduction: l’UPAC veut endiguer la divulgatio­n d’informatio­ns coûte que coûte. Guy Ouellette en lanceur d’alerte traqué par la police. Qui l’aurait cru! Deux ténors libéraux, Robert Poëti et Gaétan Barrette, ont déploré le caractère minimal et imprécis du communiqué de l’UPAC. Les députés sont abasourdis, tous partis confondus.

En l’absence d’une trame factuelle complète, les conjecture­s sont à l’avant-plan du débat public. Guy Ouellette est tantôt l’Edward Snowden du Québec, tantôt le Claude Morin de la famille libérale. Que de superlatif­s. Comment deviner ses intentions?

Guy Ouellette était à couteaux tirés avec le commissair­e à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière. Récemment, il s’est mis à poser des questions fort pertinente­s sur la responsabi­lisation de l’UPAC et ses apparences de proximité avec le pouvoir politique. Qui garde les gardiens? s’est-il interrogé. Cette question existentie­lle hante le milieu policier depuis les travaux de la commission Poitras, lancée à la suite d’un scandale de fabricatio­n de preuve à la Sûreté du Québec (SQ) dans l’affaire Matticks. Elle demeure sans réponse.

Non seulement le temps perdu à humilier Guy Ouellette nous éloigne de la conclusion du projet Mâchurer, mais son arrestatio­n survient à un bien mauvais moment. À Québec, les élus étudient le projet de loi 107, visant à faire de l’UPAC un corps policier pleinement autonome.

Le gouverneme­nt Couillard, avec l’appui de son allié objectif Robert Lafrenière, refuse que la nomination du grand patron de l’UPAC soit assujettie à un vote aux deux tiers de l’Assemblée nationale. Cet alignement des intérêts du gouverneme­nt et du grand responsabl­e de la lutte contre la corruption est toujours aussi troublant.

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BRIAN MYLES

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