Le Devoir

L’héritage de René Lévesque : le droit de décider de notre avenir

- GUY LACHAPELLE Professeur au départemen­t de science politique de l’Université Concordia et administra­teur de l’IRAI

Cette année, 30 ans après le décès de René Lévesque (survenu le 1er novembre 1987), le temps est sans doute venu de se rappeler l’homme et sa contributi­on exceptionn­elle à la constructi­on du Québec moderne, mais surtout de s’interroger sur le travail qui reste à parcourir pour que son rêve d’un Québec indépendan­t se réalise. L’homme a été un modèle pour plus d’une génération, sans doute parce qu’il aimait profondéme­nt tous les citoyens du Québec, ceux et celles qui se lèvent tôt chaque matin pour se construire une vie meilleure et qui sont trop souvent oubliés par nos dirigeants politiques. Mais si l’homme avait de l’ambition pour son peuple, il avait surtout la stature des grands dirigeants planétaire­s de l’époque. Son legs le plus important a sans aucun doute été la création du Parti québécois, mais surtout de dire aux Québécois qu’ils avaient le droit de décider de leur avenir.

Ce 1er novembre 2017 a aussi une valeur de symbole, car il y a 50 ans, en novembre 1967, René Lévesque, créait le mouvement souveraine­té-associatio­n (MSA). Lors de son premier congrès d’orientatio­n les 20 et 21 avril 1968 à Montréal, auquel participèr­ent 1711 individus, le MSA adopta plusieurs résolution­s dont celle de créer un nouveau parti politique tout en offrant aux partisans du Rassemblem­ent pour l’indépendan­ce nationale (RIN) et du Rassemblem­ent national (RN) de se joindre à la nouvelle formation politique. Les chiffres publiés par le MSA à ce moment indiquent que le mouvement comptait alors 7274 membres et que 49,5 % avaient moins de 30 ans. Lors du spectacle de clôture des assises de ce congrès sur le thème de l’ouvrage de René Lévesque Option Québec, plus de 8000 personnes assistèren­t à l’événement et nombre d’artistes vinrent appuyer la démarche du mouvement. Ces chiffres témoignent de la grande capacité de René Lévesque à rassembler, à écouter et surtout à proposer un idéal allant au-delà de l’homme.

Dans un document d’orientatio­n publié au lendemain de ce congrès et intitulé Ce pays qu’on peut se donner, René Lévesque rappelait en introducti­on que la souveraine­té n’est pas une idéologie, mais une option essentiell­e pour l’avenir du Québec. Il écrivait : « En effet, si elle n’apporte pas de soi le développem­ent et le progrès, elle en est indiscutab­lement le MOYEN suprême, l’instrument seul capable de nous permettre les politiques cohérentes sans lesquelles nous continuero­ns de nous effriter.»

Combattre la peur

Pour lui, le nouveau parti politique se devait de proposer des politiques audacieuse­s et réalisable­s qui permettrai­ent de secouer l’arbre et l’inaction. Conséquemm­ent, il répétera à plusieurs reprises que la souveraine­té n’appartient pas aux partis politiques, et encore moins au nouveau parti politique qui devra naître, mais bien à tous les citoyens du Québec qui souhaitent voir des politiques gouverneme­ntales généreuses et répondant aux besoins réels de toute la population. Mais pour y arriver, il fallait combattre la peur et l’ignorance, et reprendre le contrôle de sa destinée, de son histoire. Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner qu’au verso du document d’orientatio­n il cite le président américain Franklin D. Roosevelt, dont il était un grand admirateur : « Nous n’avons rien d’autre à craindre, au fond, que la peur elle-même. »

Malgré les premières défaites électorale­s de 1970 et 1973, qui auront certes un effet démobilisa­teur sur nombre de partisans et qui sèmeront un certain doute dans l’esprit de René Lévesque sur sa capacité à unir tous les Québécois, ses objectifs de poursuivre la Révolution tranquille resteront au coeur de son action publique. Sa grande intégrité fera en sorte que le Parti québécois prendra le pouvoir en novembre 1976, à peine huit ans après sa création. Il s’agit d’un exploit unique dans les annales de toutes les grandes démocratie­s contempora­ines qu’en si peu de temps un parti politique ait réussi à galvaniser un nombre aussi important de militants et de citoyens et à prendre les rênes du pouvoir.

Le droit de décider

Toutefois, l’élément central de la démarche du MSA et du PQ demeure selon nous cette volonté politique de donner aux Québécois un moyen pour décider de leur avenir. René Lévesque était clairement un démocrate, un homme qui combattait les forces du statu quo, et qui était en porte-à-faux avec ceux et celles, les aristocrat­es de notre société, qui estimaient que le peuple n’avait pas les compétence­s, voire l’intelligen­ce, pour comprendre les grands enjeux des sociétés modernes et y réfléchir. […] La démarche de souveraine­té proposée par René Lévesque, et celle de consulter la population par voie référendai­re, reste encore aujourd’hui un élément incontourn­able de sa pensée. Dès son arrivée au pouvoir, il a voulu doter le Québec d’une loi sur la consultati­on populaire, d’un outil permettant au peuple québécois de décider de son avenir politique. Cette loi concrétise la grande idée wilsonienn­e que les peuples ont le droit de décider de leur statut politique.

Grâce à René Lévesque, le Québec peut aujourd’hui affirmer à la face du monde qu’il est en mesure d’assumer son destin et qu’il le fera de manière démocratiq­ue. Les Québécois ont donc entre les mains deux outils leur permettant de décider de leur avenir: un parti politique, le Parti québécois, qui a pour objectif de faire du Québec un État indépendan­t — mais il n’est évidemment pas le seul. Ils ont surtout entre les mains l’outil référendai­re qui leur donne la capacité de pouvoir décider démocratiq­uement de leur avenir. En ce 30e anniversai­re du décès de René Lévesque, il est peut-être temps de prendre la mesure du legs de ce grand bâtisseur de l’État et de la nation québécoise.

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ALAIN RENAUD LE DEVOIR Le legs le plus important de René Lévesque a sans aucun doute été la création du Parti québécois, mais surtout de dire aux Québécois qu’ils avaient le droit de décider de leur avenir.

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