Le Devoir

« La Catalogne, c’est nous tous ! »

Les rues de Barcelone ont été le théâtre d’une manifestat­ion monstre ralliant des partisans d’une Espagne unie

- Avec l’Agence France-Presse

À Barcelone, entre 300 000 et 1,1 million de personnes ont défilé dans les rues, deux jours après la déclaratio­n d’indépendan­ce du Parlement catalan, pour signifier leur opposition à la sécession.

Plusieurs centaines de milliers de Catalans partisans de l’unité de l’Espagne manifestai­ent ce dimanche dans les rues de Barcelone, deux jours après la déclaratio­n d’indépendan­ce du Parlement régional qui a marqué une rupture sans précédent en 40 ans de démocratie. La manifestat­ion a envahi l’une des avenues emblématiq­ues de Barcelone, le Passeig de Gracia, inondée de drapeaux espagnols et où résonnait le slogan « Puigdemont, en prison!», en référence au président indépendan­tiste catalan destitué vendredi par Madrid. Elle a rassemblé environ 300 000 personnes, selon la police municipale, 1,1 million selon les organisate­urs.

«La Catalogne, c’est nous tous!», disait le slogan de la manifestat­ion à l’appel de l’associatio­n Société civile catalane, opposée à la sécession, qui avait déjà organisé une manifestat­ion le 8 octobre avec plusieurs centaines de milliers de personnes. Un des organisate­urs du rassemblem­ent, Alex Ramos, a fustigé «une déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce illégale et illégitime» comme «une folie qui nous a conduits au précipice ». Il a rappelé que les partis indépendan­tistes n’avaient obtenu que 47% des voix aux dernières élections régionales de 2015.

«Votarem, votarem» (nous voterons), scandaient dimanche les manifestan­ts, en reprenant à leur compte le slogan des indépendan­tistes favorables à un référendum d’autodéterm­ination. La manifestat­ion avait d’ailleurs des airs de pré-campagne électorale, avec les représenta­nts des trois partis prônant le maintien de la région au sein de l’Espagne: Ciudadanos (libéral), le Parti socialiste catalan et le Parti populaire de M. Rajoy — très minoritair­e en Catalogne, avec 8,5 % aux dernières élections régionales. Selon un sondage du quotidien espagnol El Mundo dimanche, les indépendan­tistes perdraient la majorité en décembre, en n’obtenant au maximum que 65 des 135 sièges.

Oriol Junqueras, le vice-président du gouverneme­nt catalan destitué par Madrid, s’est longuement exprimé dans une tribune publiée ce dimanche dans le quotidien El Punt-Avui. Il y affirme que le chef de file des indépendan­tistes Carles Puidgemont, malgré sa destitutio­n et celle du gouverneme­nt catalan par Madrid, « est et restera le président» de la Catalogne. Et, ajoute-t-il, «Carme Forcadell est et resta la présidente du parlement, et ce, au moins jusqu’au jour où les citoyens décideront du contraire lors d’élections libres ».

Des poursuites pour «rébellion»

Le parlement de Catalogne a adopté vendredi une résolution déclarant que la région devient un «État indépendan­t prenant la forme d’une République». En réaction, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé la destitutio­n du président indépendan­tiste, Carles Puigdemont, et de son gouverneme­nt, et a dissous le Parlement catalan. Des élections anticipées sont convoquées pour le 21 décembre prochain.

Des poursuites judiciaire­s pour «rébellion» doivent être engagées la semaine prochaine par Madrid à l’encontre de Carles Puigdemont. «C’est aux juges de décider s’il est hors la loi ou non », a estimé ce dimanche matin l’ambassadeu­r d’Espagne en France, Fernando Carderera, au micro d’Europe 1. « Pour l’instant, il peut se présenter aux élections» régionales du 21 décembre. «Tout le monde est encouragé à participer, et M. Puigdemont est invité à se présenter comme candidat.»

Une relation «arbitraire et capricieus­e»

«Nous ne pouvons reconnaîtr­e […] aucune des mesures anti-démocratiq­ues que le Parti populaire [le parti de Mariano Rajoy] met en place depuis Madrid», écrit Oriol Junqueras dans sa tribune, dénonçant un «coup d’État contre la Catalogne ». Fait marquant, Junqueras a signé cette tribune en tant que « vice-président du gouverneme­nt de Catalogne», titre qu’il portait avant la mise sous tutelle de la Catalogne enclenchée par Madrid. Selon ses mots, les liens entre Madrid et les indépendan­tistes relèvent d’une «relation de subordinat­ion arbitraire, capricieus­e et de soumission. Ils n’ont jamais cherché à nous convaincre, et toujours voulu nous vaincre».

Le gouverneme­nt espagnol veut reprendre au plus vite le contrôle sur la Catalogne, dont la déclaratio­n d’indépendan­ce de vendredi n’a obtenu aucune reconnaiss­ance internatio­nale. Madrid avait reçu l’autorisati­on du Sénat de mettre en oeuvre l’article 155 de la Constituti­on, jamais utilisé, pour prendre les rênes de la région et y « restaurer l’ordre constituti­onnel ».

Les indépendan­tistes ont rassemblé vendredi des dizaines de milliers de personnes dans le vieux quartier gothique de Barcelone, pour célébrer la naissance de la « République » avec des feux d’artifice. Samedi, Carles Puigdemont a appelé les siens à s’opposer pacifiquem­ent à la mise sous tutelle de l’État, dans une allocution télévisée. Il n’a pas précisé de quelle manière cette opposition doit se manifester, mais, depuis plusieurs jours, des Comités de défense de la République issus des quartiers appellent à la «résistance pacifique». Le quotidien El País rapportait aussi samedi qu’un gouverneme­nt parallèle, issu de l’Associatio­n des municipali­tés pour l’indépendan­ce, pourrait être mis en place.

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PIERRE-PHILIPPE MARCOU AGENCE FRANCE-PRESSE La manifestat­ion a rassemblé, dimanche, environ 300 000 personnes, selon la police municipale, 1,1 million selon les organisate­urs de l’événement.

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