Refrains de Paris
WILSON CHANTE MONTAND Mise en scène : Christian Schiaretti. Direction musicale et arrangements : Bruno Fontaine. Une coproduction des Visiteurs du soir, de Démons Productions et du Théâtre National Populaire. Au TNM jusqu’au 5 novembre.
Le charme de Lambert Wilson opère, c’est le moins que l’on puisse dire. Entre les murs du TNM ces jours-ci, l’interprète à l’élégance légendaire dit et chante, toujours avec vigueur et justesse, use de son talent vocal indéniable, et de quelques adroits pas de danse, pour ravir le public et honorer le legs musical d’Yves Montand.
Après avoir consacré un album au géant de la chanson française en 2016, c’est-à-dire 25 ans après sa mort, le baryton léger a élaboré, avec le directeur musical Bruno Fontaine et le metteur en scène Christian Schiarietti, un spectacle qui trace les contours d’une oeuvre vaste, mais aussi d’une vie peu banale. Dans le répertoire de Montand, Wilson a sélectionné une trentaine de pièces cruciales à ses yeux. Il y en a de très connues, comme La chansonnette, La bicyclette ou Les feuilles mortes, mais d’autres, plus obscures, et parfois moins frivoles, qui permettent d’exposer toutes les facettes du personnage.
Même s’il n’a jamais écrit ou composé, Montand a certainement choisi avec beaucoup de soin les pièces que lui ont été offertes par Francis Lai, Joseph Kosma, Jacques Prévert, Francis Lemarque, Jacques Brel, Henri Salvador, Léo Ferré et tant d’autres. Ainsi, certaines chansons, entre lesquelles ont été judicieusement insérés des textes extraits du livre que Jorge Semprun a consacré à Montand, mais aussi des poèmes, notamment de Jean Cocteau et de Nâzim Hikmet, donnent à constater la richesse d’un destin artistique et citoyen.
Il est bien entendu question des amours, avec Édith Piaf, Simone Signoret et Marilyn Monroe, mais aussi des origines italiennes, ouvrières et militantes de celui dont le véritable nom est Ivo Livi. Dans des pièces comme Les grands boulevards ou Luna Park, on sent bien les allégeances communistes de l’homme qui est resté politiquement engagé jusqu’à sa mort. Le spectacle nous entraîne ainsi de l’enfance dans les quartiers pauvres de Marseille jusqu’au triomphe à New York, en passant, cela va de soi, par Paris, son port d’attache.
Sur scène, six musiciens défendent des arrangements délicats, somptueux. Si la représentation échappe à ce qu’on appelle normalement un tour de chant, c’est grâce à la mise en scène, à l’agencement des airs et des monologues, mais aussi, et peut-être même surtout grâce à Lambert Wilson. L’interprète rend hommage à Yves Montand sans jamais l’imiter, il l’incarne pourtant, l’évoque, mais sans jamais le caricaturer. Ainsi, chaque chanson est un tableau ayant ses couleurs propres, le reflet d’un état d’âme, d’une époque, d’une vie.