Le Devoir

Au moins 20 000 billets ont été donnés

Denis Coderre se fait discret le jour où Montréal c’est électrique publie ses premiers chiffres

- JEANNE CORRIVEAU

Àquatre jours du scrutin municipal, l’organisate­ur de la course de formule électrique présentée à Montréal en juillet dernier a finalement divulgué mercredi un premier bilan de l’événement controvers­é. Au moins 20 000 billets ont été distribués gratuiteme­nt, alors que 25 000 billets ont été vendus au public ou remis à des commandita­ires et partenaire­s, a annoncé l’organisme Montréal c’est électrique.

Depuis le début de la campagne électorale, le maire sortant, Denis Coderre, était talonné de questions, mais il soutenait ne pas être en mesure de donner des précisions sur le nombre de billets réellement vendus. Mardi, il s’en était même remis au promoteur evenko, qui à son tour avait renvoyé la balle à Montréal c’est électrique.

Mis en place par la Ville de Montréal pour présenter l’événement, l’organisme sans but lucratif Montréal c’est électrique a indiqué que 20 000 des 45 000 billets avaient été distribués gratuiteme­nt à différents groupes, tels que les résidants du secteur où le circuit avait été aménagé, les fournisseu­rs et les partenaire­s « actuels et potentiels» en électrific­ation des transports. Par ailleurs, 25 000 billets ont été vendus au public ou remis «dans le cadre d’ententes avec des partenaire­s et des commandita­ires».

Montréal c’est électrique n’a cependant pas voulu donner d’autres précisions, notamment en ce qui a trait au nombre de billets vendus par l’intermédia­ire de la billetteri­e. S’appuyant sur des sources, TVA a affirmé qu’il s’agissait plutôt de 5000 billets réellement payés, ce qu’ont réfuté Montréal c’est électrique et Denis Coderre lors d’une entrevue au 98,5 FM en fin de journée.

Le maire sortant a toutefois limité ses apparition­s publiques mercredi. En après-midi, il a fait une annonce concernant le choix de Harout Chitilian au poste de président de son comité

exécutif s’il est reporté au pouvoir lundi, mais il a opté pour une diffusion sur Facebook, sans journalist­es.

Les billets aux commandita­ires

Le Devoir a communiqué avec plusieurs commandita­ires et partenaire­s de l’événement. Hydro-Québec a indiqué avoir obtenu 12 billets ainsi qu’une loge de 55 places pendant les deux jours de l’événement. Tourisme Montréal dit avoir reçu une centaine de billets pour la fin de semaine dans le cadre de son entente de partenaria­t. «Ces billets ont permis de faire découvrir cet événement à nos partenaire­s du milieu touristiqu­e de Montréal», a précisé Andrée-Anne Pelletier, gestionnai­re aux relations publiques chez Tourisme Montréal.

Radio-Canada, dont le terrain se trouvait encerclé par le circuit, a obtenu 250 billets. Astria Technologi­es a eu cinq billets, mais ni MCM Intégratio­n ni Nouveau Monde Graphite ou Evoto Rentals n’ont eu droit à des billets gratuits.

Communauto s’est vu remettre deux laissezpas­ser gratuits grâce à sa commandite. Quant à CAA-Québec, elle a offert à ses membres un rabais sur les laissez-passer, mais n’a pu préciser le nombre de billets vendus. «Ce n’est pas une occasion qui a été saisie par beaucoup de membres », a cependant noté Annie Gauthier, sa porte-parole.

Un party aux frais des Montréalai­s « On parle de 20 000 billets donnés et ça pourrait être plus. Je suis très surprise que le chiffre soit aussi gros. Je crois que ça dépasse les pires scénarios qu’on pouvait avoir», a commenté Heidi Miller, porte-parole de Formule citoyenne, un groupe de résidants du secteur qui avait été enclavé lors de la tenue de la Formule E. Plus tôt cette semaine, des commerçant­s du secteur avaient témoigné des inconvénie­nts et des pertes de revenus qu’ils ont subis lors de la Formule E.

«Ce ne sont pas des “billets gratuits”. Ce sont des billets que les contribuab­les ont payés. C’est là le scandale. On a payé un gros party pour 20 000 personnes sur le dos des Montréalai­s »,a soutenu Mme Miller en accusant l’administra­tion Coderre et les organisate­urs d’avoir « banalisé » les impacts de l’événement sur les résidants et les commerçant­s du secteur.

Selon elle, la tenue de l’événement devrait être suspendue l’an prochain pour peaufiner le projet.

Un silence volontaire?

La chef de Projet Montréal et candidate à la mairie de Montréal, Valérie Plante, reproche à Denis Coderre d’avoir refusé de répondre aux questions plus tôt dans la campagne électorale alors qu’il en avait la possibilit­é. «Je trouve ça dommage que Denis Coderre se soit caché derrière evenko et Montréal c’est électrique alors qu’il avait la possibilit­é d’avoir ces informatio­ns. Manifestem­ent, il ne voulait pas les donner », a-telle avancé.

Précisons qu’une dispositio­n de l’entente entre la Ville et Montréal c’est électrique stipule que le Directeur du développem­ent économique de la Ville peut avoir accès, sur demande, aux informatio­ns relatives aux registres et aux données financière­s de l’organisme qui, par ailleurs n’est pas assujetti à la Loi d’accès à l’informatio­n.

Selon Mme Plante, Montréal c’est électrique aurait aussi dû indiquer quelle utilisatio­n a été faite de la marge de crédit de 10 millions cautionnée par la Ville et quelles ont été les retombées économique­s de l’événement.

Denis Coderre reconnaît que des améliorati­ons pourraient être apportées aux prochaines éditions de l’événement. «Il y a des choses à améliorer, mais c’est un premier événement qui est voué à être un succès. C’est normal, quand on commence. C’est normal d’avoir des gens qu’on attire pour être de futurs commandita­ires», a-t-il fait valoir lors de son entrevue au 98,5 FM.

Le maire sortant a expliqué que Montréal avait dû créer un organisme sans but lucratif en raison des commandite­s qui devaient être récoltées. Il a toutefois souligné que les livres de Montréal c’est électrique seraient vérifiés par la vérificatr­ice générale de la Ville: « Pour moi, c’est un laboratoir­e d’innovation fantastiqu­e. Aurait-on mieux aimé que ça aille à Toronto?»

Sondage

Montréal c’est électrique déposera son bilan financier complet au plus tard à la fin mars 2018.

Rappelons que la Ville de Montréal a investi 24 millions pour la tenue de l’événement pendant trois ans. Un montant de 4,5 millions a été dépensé pour les travaux d’asphaltage. L’achat de murets de béton a coûté 7,5 millions et le contrat pour le montage et le démontage s’est élevé à 9 millions sur trois ans. Montréal a aussi payé 1,5 million pour le premier versement des droits de la course.

Montréal c’est électrique soutient que la Formule E à Montréal est un «franc succès». Un sondage CROP réalisé auprès des visiteurs accueillis sur le site les 29 et 30 juillet a démontré que 92% d’entre eux avaient eu une « appréciati­on positive » de l’événement, fait-on valoir.

Montréal c’est électrique soutient par ailleurs que les deux courses du programme ont été vues par plus de 36,8 millions de téléspecta­teurs. «En comparaiso­n, la ville de New York, qui en était également à sa première édition et qui affichait aussi un programme double, a atteint un auditoire de 31,7 millions », a-t-on indiqué.

L’organisme se targue aussi d’avoir attiré 231 journalist­es, dont 82 provenaien­t de l’extérieur du Canada, précisant que cette couverture de presse à l’internatio­nal correspond à une valeur média estimée à 1,45 million.

La course de Formule E devrait revenir l’an prochain. Valérie Plante a promis, si elle est élue mairesse dimanche, de déménager l’événement au circuit Gilles-Villeneuve de l’île Notre-Dame. Denis Coderre soutient pour sa part que ce site n’est pas conforme aux règles édictées par la Fédération internatio­nale de l’automobile. La rédaction

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR La compétitio­n de Formule E aura fait polémique avant, pendant et après la tenue de l’événement.

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