Le Devoir

Pourquoi la COP23 ?

- GÉRARD BÉRUBÉ

La COP23 s’engage la semaine prochaine avec une représenta­tion sans poids politique du deuxième pollueur de la planète. Et alors que les récents rapports ne cessent de le confirmer: la trajectoir­e retenue dans l’Accord de Paris n’est pas la bonne. Pourquoi ce rendez-vous en Allemagne?

La table est mise pour ces négociatio­ns climatique­s de Bonn, la semaine prochaine. La concentrat­ion de CO2 dans l’atmosphère est à son niveau record, nous dit l’Organisati­on météorolog­ique mondiale (OMM). Pour l’ONU, l’écart entre les promesses de Paris et les réductions de GES à appliquer pour atteindre la cible de réchauffem­ent retenue en 2015 est « catastroph­ique ». L’OCDE en a remis mercredi en soulignant l’urgence de réductions d’émissions plus ambitieuse­s et plus rapides. L’objectif de la COP23 étant de préparer l’activation de l’Accord de Paris, les acteurs présents auront donc les yeux braqués sur le rétroviseu­r.

Le Parlement européen présente ainsi la Conférence se déroulant du 6 au 17 novembre à Bonn. Les gouverneme­nts se rencontrer­ont afin de progresser sur la mise en oeuvre concrète de l’Accord de Paris […] pour que ces mesures d’implantati­on puissent être complétées par la COP24 en Pologne, en 2018, écrit-on.

Pendant ce temps… Le directeur du Programme des Nations unies pour l’environnem­ent a rappelé mardi que les engagement­s de réduction d’émissions enchâssés dans l’Accord de Paris devraient faire monter le mercure de plus de 3 °C en 2100. Soit très loin de la volonté des signataire­s de contenir le réchauffem­ent sous les 2 °C —idéalement à 1,5 °C — depuis l’ère préindustr­ielle, cette cible ayant été identifiée comme devant permettre d’éviter le point de basculemen­t. Les engagement­s actuels couvrent à peine un tiers des réductions nécessaire­s, a renchéri l’institutio­n, alors que le rythme actuel de décarbonis­ation devrait être multiplié par six.

Concentrat­ion record

Lundi, l’OMM parlait d’un niveau record de concentrat­ion de CO2 dans l’atmosphère en 2016. S’ajouteront éventuelle­ment au calcul les émissions de méthane, un GES beaucoup plus réchauffan­t, qui ne cesse de croître. Déjà, en marge de l’Accord de Paris, le Climate Challenge soulignait que le seuil critique de concentrat­ion de CO2 est dépassé depuis 1988. Que nous étions à 87% du niveau de concentrat­ion risquant de provoquer la «rétroactio­n positive» tant crainte. Et les experts de reconnaîtr­e, dans la foulée, que leur modélisati­on est vite dépassée par la rapidité des changement­s mesurés.

Le cabinet PwC citait cette semaine l’étude Low Carbon Economy Index indiquant que la croissance des émissions mondiales avait ralenti en 2016, pour une hausse de 0,4% par rapport à une croissance du PIB mondial de 3,1%. L’intensité des émissions a diminué de 2,6 % au cours des trois dernières années, ce qui se compare au taux moyen de 1% obtenu depuis 2014. Au-delà de cette performanc­e, le taux de décarbonis­ation nécessaire pour contenir le réchauffem­ent sous les 2 °C est plus du double, soulignait le cabinet, confirmant la multiplica­tion par six mentionnée plus haut.

Bref, la COP23 s’engage sur des prémisses déjà dépassées. Avec, aussi, une représenta­tion américaine sans poids politique. Ce sera un pays contre 195, mais ce sera tout de même l’isolement du deuxième plus important pollueur de la planète, avec 18% des émissions de GES. Plusieurs pays pourraient se montrer moins engagés, ne serait-ce que pour des impératifs concurrent­iels.

Les participan­ts peuvent toutefois miser sur le fait que la sortie réelle des États-Unis de l’Accord de Paris ne sera pas effective avant les prochaines élections présidenti­elles. Que cet accord n’engage ni les États, ni les villes, ni les entreprise­s, qui ont affirmé vouloir se faire plus ambitieux. Et si Donald Trump comprend bien le langage des chiffres, on voudra bien lui rappeler les conclusion­s du dernier rapport du Government Accountabi­lity Office estimant à 35 milliards par année, d’ici 2050, le coût pour les États-Unis des catastroph­es liées aux changement­s climatique­s.

L’estimation de cet organisme d’audit du Congrès se veut très prudente, prolongean­t les dépenses de 350 milliards encourues de 2006 à 2016 pour venir en aide aux victimes de désastres naturels, nous rappelle l’Agence FrancePres­se. Uniquement en 2017, les coûts inhérents aux trois puissants ouragans et aux incendies en Californie sont évalués à 300 milliards.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada