Le sort de l’ALENA inquiète le jeu vidéo
La majeure partie des revenus de l’industrie canadienne vient de l’étranger, notamment des États-Unis
Source d’inquiétude pour plusieurs industries, le sort de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) cause également des soucis dans le milieu canadien du jeu vidéo pour lequel les États-Unis sont un marché incontournable.
Sur les revenus de 3,2 milliards générés par l’industrie, environ 75% découlent des ventes réalisées à l’extérieur du pays, selon un portrait économique publié mercredi par l’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD). Le marché américain représente près de la moitié des revenus étrangers.
«Je ne suis pas aussi optimiste quant à la suite des choses que je l’étais. Et je ne suis pas le seul à penser ça, a dit le président de l’ALD, Jayson Hilchie, lors d’un entretien. Nous faisons beaucoup de jeux au Canada et ils sont vendus aux États-Unis, et nous ne voulons certainement pas devoir fonctionner dans un environnement où il y aurait des tarifs sur nos jeux. »
L’industrie canadienne fait aussi appel à des Américains pour venir travailler au Canada, a dit M. Hilchie, en précisant que l’inverse est aussi vrai. «Nous faisons ça grâce à des mécanismes compris à l’intérieur de l’ALENA. Perdre ça serait très dommageable pour notre industrie. Ces enjeux me préoccupent. Nous ne voulons pas que le prix de nos produits augmente. »
L’industrie canadienne alimente 40 600 emplois «équivalent temps plein». De ce nombre, 21 700 sont des emplois directs, soit une hausse de 6% par rapport à 2015, selon l’analyse effectuée par l’ALD. La majorité des emplois directs (68 %) se trouvent dans des studios de 60 personnes ou plus.
Parmi les membres de l’ALD figurent des noms comme Activision Blizzard, Glu, Capcom, EA, GameLoft, Nintendo, Sony, WB Games et Ubisoft. Au total, on dénombrerait 596 studios au Canada, dont la plupart sont au Québec et en Ontario.
Le salaire moyen dans l’industrie est de 77 300$, en hausse par rapport à 71 300$ en 2015.
Progression ontarienne
C’est l’Ontario qui a connu la plus forte croissance en matière de main-d’oeuvre depuis deux ans, selon le bilan fait par la firme Nordicity. Le nombre de travailleurs oeuvrant dans les studios ontariens a bondi de 52 % à 3800 entre 2015 et 2017, alors que ceux du Québec sont passés de 10 800 à 10 000.
Les données québécoises sont « probablement dues» en partie à un cycle d’emploi normal dans le développement des jeux plutôt qu’à une « contraction » réelle de l’industrie dans la province, selon l’ALD. En parallèle, les données de 2017 reposent sur un bassin de données de meilleure qualité qu’en 2015, ce qui pourrait expliquer le phénomène, a dit M. Hilchie.
Il est bien connu que la compétition entre les provinces est forte. Le crédit d’impôt qu’offre l’Ontario sur les salaires s’élève à 40% depuis 2009, époque à laquelle le gouvernement de Dalton McGuinty avait décidé qu’un crédit de 25% n’était pas suffisant. Pour les sociétés étrangères, il est de 35%. Au Québec, le crédit d’impôt est de 37,5%, mais s’applique de la
même manière à tous.
Ce crédit d’impôt québécois a été abaissé à 30 % il y a quelques années, après l’élection du gouvernement Couillard, mais la levée de boucliers dans l’industrie a finalement incité Québec à le rétablir à son niveau d’origine. La France a récemment augmenté le sien de 20 % à 30%, mais il ratisse plus large dans la couverture des frais et coûts admissibles.
L’Alliance numérique affirme que l’industrie a entraîné des revenus fiscaux directs de 145 millions en 2014, de même qu’un impact économique de 827 millions. Contactée par Le Devoir, elle a indiqué mercredi son intention d’effectuer une mise à jour sur l’impact de son industrie dans l’assiette fiscale de l’État et dans l’économie.
Dans le document «Dépenses fiscales 2016», publié en mars 2017 par le ministère des Finances, on indique que le coût fiscal du crédit d’impôt était de 152 millions en 2014, la projection pour les deux années suivantes se situant à 144 et 178 millions.