Un récit fabulo-scientifique
Inanimés ou vivants, les objets organiques de Laurent Lamarche sont magnifiés
LA NUÉE De Laurent Lamarche. Exposition présentée à la Maison des arts de Laval (1395, boulevard de la Concorde Ouest) jusqu’au 5 novembre.
Exposition en deux temps, La nuée, de l’artiste Laurent Lamarche, se présente comme un objet à double face. Un côté blanc, un côté noir. Ou plutôt, une salle dans la clarté, l’autre dans la pénombre. La première ne nous pousse pas moins dans le doute et l’inexpliqué, la seconde dans le merveilleux et l’explication.
Cette aventure à la Maison des arts de Laval, qui se termine dimanche, propose un art aux confins de la science, de la technologie, de la fabulation et de la bricole. Autrement dit, chez Laurent Lamarche, et notamment dans cette exposition qui tient du laboratoire, du muséum ou du cabinet de curiosités, les images et objets présentés forment un tout dont il est difficile de distinguer la cause de la conséquence.
Dans La nuée, il y a bien un parcours à suivre. Celui-ci commence par un texte d’introduction, au pied duquel les gens sont invités à prendre un glossaire sous forme d’affiche. La visite, qui n’a rien de didactique et tout de l’étrange, se poursuit dans la salle rythmée par plusieurs modules et leurs artefacts. Le tout se termine par un spectacle son et lumière.
N’en disons pas plus, question de ne pas estomper l’effet de surprise. Habile, l’artiste entremêle cependant l’ordre des choses et la fin du parcours ne met pas nécessairement un point final à cette intrigue mettant en scène une nuée de structures organiques et de micro-organismes.
Artiste du détail et de l’observation, Laurent Lamarche donne à l’infiniment petit toute son importance. La première partie de l’exposition en montre différents exemples, rapprochant le monde matériel — soit son art, qu’il se traduise en 2D ou en 3D —, et le monde suggéré (ici le floral ou l’animal). Dans ces univers similaires, chaque individu, constitué de petites particules, demeure cependant difficile à identifier.
Sans classes et avec éclat
Les « organismes vivants fictifs », tel que l’artiste désigne son travail, cumulent des matériaux industriels de différente nature, comme des pellicules plastiques, des attaches ou même des microsenseurs, pour la partie cinétique l’expo. Chacun semble avoir un rôle plastique, ou visuel, et utilitaire.
Soutenue par le commissariat de Dominique Allard, l’exposition entretient ce flou autour de l’origine des choses et de l’impossibilité à les classifier. Basé sur des effets de transparence, de reflet, d’agrandissement et de projections d’ombres (des déformations?), le travail de Laurent Lamarche n’avait jamais eu autant d’impact que dans cette grande salle lavalloise.
Si le spectacle lumineux qui a fait la réputation de l’artiste n’est pas à négliger, il n’est pas seul ici. Et ne porte pas ombrage au reste. Comme le titre l’évoque, le travail artistique est une nuée d’éléments équivalents, «un essaim de spécimens mécanisés », pour reprendre l’expression de M. Allard. L’individu créateur n’est pas seul non plus, lui qui travaille avec une communauté «d’abeilles ouvrières», si on peut se permettre cette image, de l’informaticien à la commissaire.
Laurent Lamarche nous incite à voir au-delà de la véracité de la science et de l’aspect imaginaire de l’art. La première peut fabuler, le second, rester ancré dans la réalité. Tout est permis, rien n’est acquis. La nuée mélange tout ça.