La hausse des salaires finira bien par s’accélérer, dit Stephen Poloz
Les salaires n’augmentent pas aussi vite qu’on l’aurait normalement pensé, admet le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz. Mais la situation finira par se corriger.
Le taux de chômage au Canada est redescendu au niveau qu’il avait avant le début de la Grande Récession de 2008. On aurait normalement pu croire que cette tendance s’accompagnerait d’un retour aux types d’augmentation salariale qu’on connaissait à cette époque, or il n’en est rien, a reconnu mardi le gouverneur de la banque centrale canadienne devant près de 1000 personnes venues entendre son discours devant CFA Montréal et le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM). Le rythme de croissance annuelle du salaire horaire au pays n’atteignait pas 2% cet été, contre environ 3,5% avant la crise, constatait la Banque du Canada, le mois dernier, dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM). « Le fait est que, malgré l’expansion économique vigoureuse et la forte création d’emplois, la croissance des salaires est restée relativement basse», a déclaré Stephen Poloz.
Certains observateurs ont commencé à se demander si les lois économiques sur l’offre et la demande, l’impact de la croissance économique et l’inflation étaient encore valables à notre époque de nouvelles technologies et de mondialisation. Le gouverneur entend les détromper.
Aller dans le détail
En fait, dit-il, il faut commencer par se méfier des chiffres sur le chômage. Ce qu’ils ne disent pas, c’est notamment que plusieurs jeunes hésitent encore à revenir sur le marché de l’emploi et que d’autres travailleurs se sont résolus à travailler à temps partiel alors qu’ils voudraient travailler à temps plein. L’effondrement du prix des matières premières a aussi fait perdre à de nombreux travailleurs des emplois bien payés et les a forcés à se rabattre sur des secteurs dont les salaires sont plus bas. Il se peut aussi que le vieillissement de la population ait pour conséquence dans les entreprises d’entraîner le départ à la retraite de travailleurs au sommet des échelles salariales et leur remplacement par des jeunes qui doivent commencer tout en bas.
En ce qui concerne la mondialisation, il est très probable en effet qu’une plus grande concurrence étrangère incite des entreprises à accorder des hausses salariales plus lentes. Quant aux nouvelles technologies, la longue période de taux d’intérêt extraordinairement bas en a probablement aussi amené plusieurs à consacrer plus de ressources à l’automatisation de leur production plutôt qu’à l’amélioration des conditions offertes à leurs employés. «Même la menace d’une automatisation accrue pourrait suffire à limiter les hausses salariales», a observé Stephen Poloz.
«Compte tenu de tous ces facteurs susceptibles de brider la croissance des salaires, il est tout simplement prématuré de conclure qu’il y a quelque chose qui cloche dans le processus d’inflation traditionnel», a conclu le gouverneur central, qui a bien été obligé, le mois dernier, d’admettre que les salaires et le coût de la vie n’augmentaient pas aussi vite qu’on l’avait prévu et a par conséquent mis un frein à la remontée des taux d’intérêt au pays après deux hausses consécutives. Il reste néanmoins convaincu que la croissance économique et les besoins de main-d’oeuvre des entreprises finiront par avoir l’impact attendu. «Avec le temps, la croissance des salaires devrait se redresser, ce qui va ensuite se répercuter sur l’inflation. »