Ottawa renforce ses lois sur le harcèlement sexuel
Les entreprises auront des devoirs et les employés, des recours
Ottawa vient de déposer un projet de loi pour donner plus de muscles aux diverses dispositions relatives au harcèlement sexuel. Les employés des compagnies publiques et privées de juridiction fédérale, de la fonction publique fédérale et du Parlement seront désormais protégés par des lois qui obligeront non seulement leurs employeurs à aider leurs employés victimes de harcèlement sexuel, mais aussi à prévenir de telles situations.
«Pour les employés sous juridiction fédérale partout au pays, il y aura un régime juridique plus robuste qui, espère-t-on, permettra de prévenir les cas de harcèlement et de violence sexuelle, de réagir adéquatement lorsque ce type d’incident se produit et de soutenir les victimes et les employeurs », a indiqué Patty Hajdu, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’oeuvre et du Travail, lors du dépôt du projet de loi à la Chambre des communes mardi.
La ministre Hajdu dit ainsi s’attaquer au « déséquilibre » actuel, alors que certaines lois s’appliquent à certains milieux de travail, mais pas à d’autres, laissant par exemple les employés du Parlement sans recours juridiques concrets en cas de harcèlement sexuel.
«Nous passons d’une politique à une loi pour le personnel parlementaire », a précisé Mme Hajdu, précisant que tous les employés du Parlement, les députés, le personnel politique, les stagiaires, les bénévoles et même les entrepreneurs engagés sur la colline parlementaire seront couverts par le nouveau régime. Ce sera le cas aussi de l’ensemble des compagnies privées régies par des lois fédérales, soit notamment celles des secteurs bancaires, des transports et des télécommunications. Selon le ministère de l’Emploi, ces compagnies représentent 8 % des compagnies canadiennes.
«C’est un temps idéal pour annoncer cette loi. Plus de gens écoutent, prennent des actions et s’attendent à ce que le gouvernement agisse»,a ajouté mardi Maryam Monsef, ministre de la Condition féminine, rappelant le changement d’attitude récent provoqué par le mouvement #MoiAussi sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement Trudeau dit donner suite à ses promesses faites en campagne électorale et répondre aux problèmes rencontrés lors des gestes répréhensibles qui ont mené à l’expulsion de deux membres du caucus libéral en 2014.
Un régime plus sévère
La nouvelle loi créera de nouveaux recours pour les employés et introduira des obligations « concrètes » pour les employeurs. Ces derniers devront prévenir les blessures tant physiques que psychologiques liées au harcèlement ou à la violence sexuelle, intervenir en cas de plainte, proposer des solutions et apporter leur soutien aux victimes. Une personne impartiale devra être désignée dans toute entreprise pour traiter les plaintes, et les employés insatisfaits pourront à tout moment déposer une plainte au ministère du Travail.
À défaut d’agir, un employeur pourrait être sanctionné, bien que la loi ne précise pas la nature de cette sanction. Aucune sanction n’est prévue pour l’auteur du harcèlement. «Le système criminel est responsable des actions des harceleurs », a indiqué la ministre Monsef.
Selon les résultats d’un sondage pancanadien mené pour le compte du gouvernement, 60% des répondants ont déclaré avoir été victimes de harcèlement au travail, 30% de harcèlement sexuel et 21 % de violence. Pas moins de 41 % affirment qu’aucun geste n’a été fait pour résoudre l’incident signalé.
Le Congrès du travail du Canada et le Conseil du patronat du Québec ont vivement salué mardi ce projet de loi. «La violence et le harcèlement au travail ont pris des proportions épidémiques et elles ont de très nets effets sur la vie quotidienne et la santé mentale des travailleuses et travailleurs dans l’ensemble du pays », a déclaré Hassan Yussuff, président du CTC.