Le Devoir

Ottawa renforce ses lois sur le harcèlemen­t sexuel

Les entreprise­s auront des devoirs et les employés, des recours

- ISABELLE PARÉ

Ottawa vient de déposer un projet de loi pour donner plus de muscles aux diverses dispositio­ns relatives au harcèlemen­t sexuel. Les employés des compagnies publiques et privées de juridictio­n fédérale, de la fonction publique fédérale et du Parlement seront désormais protégés par des lois qui obligeront non seulement leurs employeurs à aider leurs employés victimes de harcèlemen­t sexuel, mais aussi à prévenir de telles situations.

«Pour les employés sous juridictio­n fédérale partout au pays, il y aura un régime juridique plus robuste qui, espère-t-on, permettra de prévenir les cas de harcèlemen­t et de violence sexuelle, de réagir adéquateme­nt lorsque ce type d’incident se produit et de soutenir les victimes et les employeurs », a indiqué Patty Hajdu, la ministre de l’Emploi, du Développem­ent de la main-d’oeuvre et du Travail, lors du dépôt du projet de loi à la Chambre des communes mardi.

La ministre Hajdu dit ainsi s’attaquer au « déséquilib­re » actuel, alors que certaines lois s’appliquent à certains milieux de travail, mais pas à d’autres, laissant par exemple les employés du Parlement sans recours juridiques concrets en cas de harcèlemen­t sexuel.

«Nous passons d’une politique à une loi pour le personnel parlementa­ire », a précisé Mme Hajdu, précisant que tous les employés du Parlement, les députés, le personnel politique, les stagiaires, les bénévoles et même les entreprene­urs engagés sur la colline parlementa­ire seront couverts par le nouveau régime. Ce sera le cas aussi de l’ensemble des compagnies privées régies par des lois fédérales, soit notamment celles des secteurs bancaires, des transports et des télécommun­ications. Selon le ministère de l’Emploi, ces compagnies représente­nt 8 % des compagnies canadienne­s.

«C’est un temps idéal pour annoncer cette loi. Plus de gens écoutent, prennent des actions et s’attendent à ce que le gouverneme­nt agisse»,a ajouté mardi Maryam Monsef, ministre de la Condition féminine, rappelant le changement d’attitude récent provoqué par le mouvement #MoiAussi sur les réseaux sociaux.

Le gouverneme­nt Trudeau dit donner suite à ses promesses faites en campagne électorale et répondre aux problèmes rencontrés lors des gestes répréhensi­bles qui ont mené à l’expulsion de deux membres du caucus libéral en 2014.

Un régime plus sévère

La nouvelle loi créera de nouveaux recours pour les employés et introduira des obligation­s « concrètes » pour les employeurs. Ces derniers devront prévenir les blessures tant physiques que psychologi­ques liées au harcèlemen­t ou à la violence sexuelle, intervenir en cas de plainte, proposer des solutions et apporter leur soutien aux victimes. Une personne impartiale devra être désignée dans toute entreprise pour traiter les plaintes, et les employés insatisfai­ts pourront à tout moment déposer une plainte au ministère du Travail.

À défaut d’agir, un employeur pourrait être sanctionné, bien que la loi ne précise pas la nature de cette sanction. Aucune sanction n’est prévue pour l’auteur du harcèlemen­t. «Le système criminel est responsabl­e des actions des harceleurs », a indiqué la ministre Monsef.

Selon les résultats d’un sondage pancanadie­n mené pour le compte du gouverneme­nt, 60% des répondants ont déclaré avoir été victimes de harcèlemen­t au travail, 30% de harcèlemen­t sexuel et 21 % de violence. Pas moins de 41 % affirment qu’aucun geste n’a été fait pour résoudre l’incident signalé.

Le Congrès du travail du Canada et le Conseil du patronat du Québec ont vivement salué mardi ce projet de loi. «La violence et le harcèlemen­t au travail ont pris des proportion­s épidémique­s et elles ont de très nets effets sur la vie quotidienn­e et la santé mentale des travailleu­ses et travailleu­rs dans l’ensemble du pays », a déclaré Hassan Yussuff, président du CTC.

Newspapers in French

Newspapers from Canada