Une bactérie pour aider la guérison
Une espèce améliorerait l’efficacité d’un traitement contre le cancer
Des chercheurs français ont identifié une espèce bactérienne qui, lorsqu’elle est présente dans la flore intestinale du patient, améliore l’efficacité de l’immunothérapie qu’il reçoit pour éliminer son cancer. Ces mêmes chercheurs envisagent même d’implanter cette bactérie aux patients qui en seraient dépourvus afin d’accroître leurs chances de survie.
L’équipe de chercheurs a d’abord observé chez 249 patients traités par immunothérapie pour un cancer métastatique du poumon, du rein ou de la vessie que ceux qui avaient pris des antibiotiques deux mois ou moins avant le début de leur thérapie rechutaient plus rapidement et mouraient plus tôt que ceux qui n’avaient pas subi un tel traitement bactéricide.
«L’immunothérapie est un nouveau traitement qui consiste à activer le système immunitaire afin qu’il arrive à tuer les cellules cancéreuses. De 20 à 30% des patients atteints d’un cancer métastatique du rein, du poumon ou d’un mélanome pour lesquels il y a peu d’espoir peuvent être guéris par l’immunothérapie», affirme Bertrand Routy, hématologue québécois qui termine un doctorat au Gustave Roussy Cancer Campus/Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)/Université Paris-Sud.
«Les antibiotiques sont nécessaires pour les patients souffrant d’une infection bactérienne, mais parfois, comme les patients cancéreux en rechute sont fragiles, on leur prescrit des antibiotiques pour leur refaire une petite santé.
«Mais en fait, ce traitement antibiotique ne leur fait que du mal. On ne doit donner des antibiotiques que pour de vraies infections bactériennes et pas en prévention des infections», souligne-t-il.
Une bactérie associée au bien-être
Les chercheurs ont ensuite déterminé la composition du microbiote de 153 patients atteints d’un cancer métastatique du poumon ou du rein. Ils ont alors remarqué que les patients qui hébergeaient la bactérie Akkermansia muciniphila dans leur flore intestinale répondaient beaucoup mieux à l’immunothérapie que ceux qui en étaient dépourvus.
«Cette observation montre que les bactéries de l’intestin pourraient prédire la réponse du patient à l’immunothérapie», souligne le Dr Routy, qui est le premier auteur de l’article publié dans la revue Science qui relate cette découverte.
«Beaucoup de gens portent cette bactérie qui est associée au bien-être. Elle est présente chez les personnes en bonne santé, mais est absente chez les personnes obèses ou qui prennent beaucoup de médicaments », précise le chercheur.
Système immunitaire
Finalement, les chercheurs ont greffé à des souris exemptes de toute flore intestinale des excréments provenant de patients insensibles à l’immunothérapie. Ces souris se sont d’abord montrées résistantes à ce traitement anticancéreux, mais lorsque les chercheurs leur ont administré la bactérie Akkermansia muciniphila, l’immunothérapie a retrouvé son ef ficacité.
« Le système immunitaire des souris auxquelles on avait donné cette bactérie était plus vigoureux que celui des souris qui ne l’avaient pas reçue. Il apparaît donc que cette bactérie augmente la force de frappe du système immunitaire contre la tumeur», résume le Dr Routy avant de préciser qu’il n’a pas été possible de montrer que les antibiotiques donnés aux patients éliminaient Akkermansia muciniphila.
« Nous ne pouvons qu’inférer que les patients qui ont pris des antibiotiques ont vraisemblablement perdu les bonnes bactéries. On imagine que c’est un ensemble de 10 à 15 bactéries qui est nécessaire pour que la réponse à l’immunothérapie soit bonne. »
Pour chaque type de cancer
Dans la même édition de la revue Science, des chercheurs de l’Université du Texas rapportent pour leur part que les patients atteints d’un mélanome métastatique dont le microbiome était riche en bactéries Faecalibacterium et Clostridiales répondaient mieux à l’immunothérapie et avaient une meilleure sur vie.
« Alors qu’aucun de nos patients français n’était obèse, les patients texans l’étaient. C’est peut-être pour cette raison que notre bactérie n’a pas été identifiée chez les Texans. Mais nous nous demandons aussi si chaque type de cancer aura une bactérie particulière qu’il serait important de posséder pour le combattre », avance le Dr Routy.
Le Dr Bertrand Routy amorcera en janvier une nouvelle étude au Centre de recherche du CHUM qui visera à « vérifier l’importance du microbiote comme marqueur de prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie ». Pour les besoins de cette étude, on échantillonnera les selles de 150 patients atteints d’un cancer du poumon, de la vessie, du rein ou du foie sous immunothérapie.
Le Dr Bertrand Routy songe aussi à vérifier si l’administration de bactéries Akkermansia muciniphila à des patients pourrait augmenter l’efficacité de l’immunothérapie. «Mais d’ici là, il faudra déterminer la dose de bactéries à administrer et la forme sous laquelle ces bactéries devraient être données.»