Pas seulement pour les universités
La ministre responsable de l’Enseignement supérieur et ministre de la Condition féminine, Hélène David, vient de présenter le projet de loi no 151 visant à encadrer les relations intimes entre professeurs et étudiants dans les universités et les cégeps ainsi qu’à obliger ces établissements à se doter d’une politique en matière de violence sexuelle. Cela s’impose. Mais on devrait envisager de soumettre au même type d’exigences l’État et le secteur privé.
Fortement inspiré d’un projet de loi adopté par l’Ontario l’an dernier, le projet de loi no 151 oblige les universités et les cégeps à adopter une politique vouée à prévenir et à combattre les violences sexuelles. Outre des règles touchant les initiations, cette politique devra comprendre un régime pour traiter les plaintes et signalements concernant toute violence sexuelle ainsi que des services d’accueil et de soutien pour les victimes. Ces plaintes ou signalements ne devront pas rester lettre morte, comme cela s’est vu trop souvent dans le passé, les universités ayant tendance à étouffer ce genre d’affaires afin de protéger leur réputation. L’établissement devra rendre compte dans son rapport annuel du nombre de plaintes et de signalements reçus, des interventions qu’il a faites et des sanctions qu’il a appliquées.
Hélène David, contrairement à Lise Thériault qu’elle a remplacée à titre de ministre responsable de la Condition féminine, n’a pas honte de se dire féministe. Cette ancienne vice-rectrice adjointe de l’Université de Montréal connaît aussi très bien le milieu universitaire, ce dont témoigne son projet de loi. L’autonomie des universités et des cégeps est préservée: il leur reviendra de définir leur propre politique. Mais l’obligation, suffisamment détaillée, est là. Une obligation de résultat, une obligation de briser le silence, tout en protégeant les victimes.
L’autre volet du projet de loi porte sur l’encadrement des relations intimes entre professeurs et étudiants. Des étudiantes surtout, doit-on convenir. Les règles actuelles qui régissent les conflits d’intérêts du personnel ne suffisent pas. Pour la ministre, un professeur qui entame une liaison amoureuse avec une étudiante devra en aviser un tiers, son directeur de département par exemple, et mettre un terme à toute relation pédagogique avec l’étudiante, notamment en ce qui a trait à son évaluation. Cela tombe sous le sens.
Toutefois, Hélène David ne croit pas qu’il faille interdire ces relations entre adultes consentants. Certains voudraient qu’on s’inspire d’un puritanisme à la sauce américaine qui a poussé des universités aux États-Unis à proscrire ces relations. Non seulement cela nous apparaît excessif, mais cela contreviendrait sans doute au droit à la liberté garanti par les chartes québécoise et canadienne des droits.
Le gouvernement Couillard devrait envisager d’imposer aux ministères, organismes et réseaux publics ainsi qu’au secteur privé l’obligation de se doter d’un régime de plaintes efficace en matière de harcèlements et de violences sexuels. Les cas d’Éric Salvail et de Gilbert Rozon montrent que l’entreprise privée peut être le théâtre d’agressions, passées trop souvent et trop longtemps sous silence. Le gouvernement fédéral a justement déposé, mardi, un projet de loi sur le harcèlement et la violence au sein des entreprises sous sa juridiction.
En décembre, le gouvernement Couillard tiendra sur cet enjeu un forum auquel seront conviés des représentants du milieu des affaires. Espérons que l’initiative débouchera sur des changements à la loi afin de contrer ce fléau. Pour le bien des victimes.