Le Devoir

La déclaratio­n Balfour n’est pas la cause du conflit israélo-palestinie­n

- DAVID BENSOUSSAN Professeur de sciences à l’Université du Québec

Quand on veut falsifier l’histoire, on accuse des éléments extérieurs de tous les malheurs sans jamais avoir à se responsabi­liser le moindremen­t. C’est le ton de l’article relatif au centenaire de la déclaratio­n Balfour, déclaratio­n qui prévoyait la fondation d’un foyer national juif en Palestine («Centenaire de la déclaratio­n Balfour. Un acte fondateur du conflit en Palestine», Le Devoir, 1er novembre 2017).

Prétendre, comme le fait le professeur Samir Saul, que la déclaratio­n de Balfour est à la source du conflit israélo-palestinie­n est insensé, puisque celle-ci reconnaiss­ait les droits inaliénabl­es du peuple juif sans pour autant disqualifi­er les droits et libertés des habitants arabes venus s’installer sur ce territoire depuis des régions voisines gouvernées par les Ottomans. En fait, les fondateurs de l’État d’Israël ont formulé la déclaratio­n d’indépendan­ce dans le même esprit que la déclaratio­n Balfour en affirmant que tous les citoyens, sans égard à la race, à la religion ou au sexe, jouiraient de droits égaux dans le nouvel État.

Le professeur Saul devrait peut-être s’attarder à la politique arabe du rejet pour déterminer la racine de l’impasse actuelle, puisque ce sont les États arabes qui ont rejeté la propositio­n onusienne de partition de la Palestine mandataire britanniqu­e en deux États, l’un juif dans les régions où les Juifs formaient la majorité, l’autre arabe, là où les Arabes étaient majoritair­es. De même, ce sont les États arabes qui ont refusé de reconnaîtr­e l’indépendan­ce d’Israël et son droit d’exister, ce qui a mené à la guerre de 1948 et à toutes les guerres qui ont suivi depuis.

Les Juifs minoritair­es

Chercher à voir en la déclaratio­n Balfour la cause de tous les maux, c’est aussi faire abstractio­n de tout le passé des Juifs minoritair­es au sein des pays arabes: les Juifs, les Kurdes ont souffert de persécutio­ns récurrente­s dans les pays arabes et les périodes d’accalmie dépendaien­t de la bonne volonté des souverains. Les Kabyles, les Coptes et bien d’autres minorités rêvent d’un statut d’autonomie et d’égalité qui les libérerait de la condition de soumis à laquelle ils ont été et sont toujours astreints.

Au début du XXe siècle, l’Angleterre évinça la présence ottomane, et la Palestine mandataire fut morcelée en ce qui constitue l’État actuel de Jordanie (60% de la Palestine mandataire), l’État actuel d’Israël, ainsi que les territoire­s de Cisjordani­e et de Gaza. Tant les Arabes que les Juifs jouèrent la carte britanniqu­e pour se libérer des Ottomans, et la déclaratio­n de Balfour eut l’assentimen­t du roi Fayçal d’Arabie.

La déclaratio­n Balfour et la ratificati­on internatio­nale qui a suivi ont validé le sionisme comme l’expression légitime des droits inaliénabl­es du peuple juif dans sa patrie historique. Elle proclama vigoureuse­ment que le droit du peuple juif à l’autodéterm­ination était historique et moralement valide. La présence juive en Terre sainte n’a pas attendu la déclaratio­n de Balfour pour se concrétise­r. Depuis le milieu du XIXe siècle, les Juifs ont constitué la majorité de la population de Jérusalem.

Rejeter la reconnaiss­ance des droits nationaux du peuple juif par la communauté internatio­nale revient à nier les droits historique­s et ancestraux des Juifs à la terre d’Israël. L’opposition véhémente des Arabes à la déclaratio­n de Balfour était et demeure tributaire d’une perception anhistoriq­ue des Juifs comme des étrangers sans liens à la terre d’Israël et sans droit d’y vivre en tant que peuple. Tant que les Palestinie­ns et les voisins d’Israël persistero­nt à nier les droits nationaux des Juifs, le conflit israélo-palestinie­n, hélas, continuera à échapper à toute résolution négociée qui fasse justice aux aspiration­s légitimes des peuples juif et palestinie­n.

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