Le Devoir

La Maison symphoniqu­e s’ouvre au Catalan Jordi Savall Page

Après son concert de janvier, le musicien nous revient avec Les routes de l’esclavage

- CHRISTOPHE HUSS

Les portes de la Maison symphoniqu­e de Montréal s’ouvrent enfin à l’un des plus grands musiciens de la planète, Jordi Savall. Il y présentera, mardi 14 novembre, son projet Les routes de l’esclavage, 1444-1888.

Jordi Savall était venu à Montréal en janvier dernier avec ses musiciens au théâtre Maisonneuv­e pour son projet Venise millénaire. Lorsque Le Devoir s’était alors entretenu avec lui, le musicien catalan caressait déjà le rêve de revenir pour faire connaître à la métropole Les routes de l’esclavage, 1444-1888.

«J'y rappelle une histoire qui dure quatre siècles, durant lesquels les pays les plus riches de l’Europe ont mis en esclavage 30 millions d’Africains avec lesquels ils ont fait leur fortune. Et aujourd’hui, alors que tant de gens qui veulent gagner l’Europe meurent en mer, personne ne s’en souvient», avait alors déclaré le musicien au Devoir, révolté devant une «amnésie si profonde».

L’humaniste qui tente « humblement de rafraîchir notre mémoire» réunit autour d’Hespèrion XXI et de La Capella Reial dans ce projet, qui s’éloigne des terres classiques pour côtoyer les musiques de transmissi­ons orales dites «traditionn­elles», des musiciens des États-Unis, du Mali, de Madagascar, du Maroc, du Mexique, de Colombie, du Brésil, d’Argentine et du Venezuela.

Des textes forts

Traquen’Art, qui organise le concert, a, cette fois, réussi à donner à cette conscience musicale de l’humanité l’accès à la salle dans laquelle les auditeurs entendront les plus fines nuances de la harpe, de l’oud, de la kora ou du valiha, cithare tubulaire en bambou que l’on joue à Madagascar.

La narration contribue de manière prépondéra­nte au spectacle, car la force lapidaire des textes qui s’égrènent au fil des siècles glace le sang. «À la deuxième offense, il sera sévèrement fouetté, on lui coupera le nez et il sera marqué au fer au visage… » stipule le Code de l’esclavage de la Barbade promulgué en 1661.

Ces textes sont pourtant souvent relayés par une musique d’une énergie vitale débordante, la musique étant, aux yeux de Savall, «le seul espace d’expression et de liberté que personne ne pouvait enlever » à ces esclaves dont on niait l’humanité.

Ce projet fascinant et édifiant aura à Montréal pour narrateur l’acteur d’origine haïtienne Fayolle Jean, dont le noble timbre annonce d’emblée une bouffée d’air pur par rapport aux zozotement­s pénibles de Bakary Sangaré qui handicapen­t tant l’album discograph­ique.

En disque et DVD : La Capella Reial de Catalunya, Hespèrion XXI, 3MA, Tembembe Ensamble Continuo. Récitant: Bakary Sangaré. Direction: Jordi Savall ; Alia Vox 2 SACD et 1 DVD AVSA 9920 (DVD du concert enregistré lors du Xe festival Musique et Histoire de l’abbaye de Fontfroide).

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CLAIRE XAVIER Le musicien catalan Jordi Savall

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