Le Devoir

Puigdemont interpelle l’UE et dénonce un « coup d’État » contre la Catalogne

- DANIEL BOSQUE à Barcelone TONI CERDA à Bruxelles

Le président destitué de Catalogne, l’indépendan­tiste Carles Puigdemont, a demandé mardi à l’Union européenne de renoncer à soutenir un « coup d’État » contre sa région espagnole, où les indépendan­tistes ont échoué à s’unir pour les élections de décembre.

Si les Catalans donnent à nouveau une majorité aux séparatist­es lors des élections régionales prévues le 21 décembre, « accepterez-vous le résultat du vote des Catalans ? » a demandé M. Puigdemont aux dirigeants de l’UE lors d’un discours devant quelque 200 maires séparatist­es catalans qui s’étaient déplacés jusqu’à Bruxelles pour le soutenir.

Il a qualifié de « coup d’État » la mise sous tutelle de sa région, décidée par le gouverneme­nt central le 27 octobre, quelques heures après une déclaratio­n d’indépendan­ce votée au Parlement régional sur la base d’un référendum d’autodéterm­ination organisé le 1er octobre et aussitôt interdit par le gouverneme­nt central espagnol.

Les séparatist­es affirment que le «oui» l’avait emporté ce jour-là à 90% avec 43% de participat­ion, des chiffres invérifiab­les faute d’une commission électorale indépendan­te.

Ils doivent maintenant tenter de conser ver le pouvoir lors des élections régionales du 21 décembre, imposées par le gouverneme­nt de Mariano Rajoy pour tenter d’apaiser la crise.

Pour ce scrutin, Carles Puigdemont défend un front commun des trois partis indépendan­tistes, son PDeCAT (conservate­ur), la Gauche républicai­ne de Catalogne (ERC) et la Candidatur­e d’unité populaire (CUP) d’extrême gauche.

Mais mardi soir, l’ERC a écarté cette option, son porteparol­e Sergi Sabria affirmant dans un communiqué que « devant l’impossibil­ité de former une liste réellement unitaire, il faudra chercher à nous coordonner sur la base de candidatur­es différente­s».

En 2015, la coalition «Ensemble pour le oui» avait réussi à rassembler les deux principale­s formations indépendan­tistes, le parti de M. Puigdemont et l’ERC. La CUP s’était présentée seule.

Au total, ces trois partis avaient obtenu la majorité en sièges, mais pas en voix, avec 47,8% des suffrages, mais 72 sièges sur 135 au Parlement régional.

Certains estiment qu’une candidatur­e unique profiterai­t aux indépendan­tistes dans leur ensemble, car la pondératio­n des voix donne une «prime au résultat le plus fort», selon Joan Botella, recteur de la Faculté de sciences politiques de l’Université autonome de Barcelone.

Le PDeCAT aurait tout intérêt à rester au sein d’une coalition: les sondages prédisent en effet un effondreme­nt à ce parti héritier de la puissante Convergenc­e démocratiq­ue de Catalogne (CDC), qui a longtemps régné sur la région.

L’ERC, qui a le vent en poupe dans les sondages, a intérêt à faire cavalier seul, avec l’espoir d’être pour la première fois aux commandes de la Catalogne depuis 1936.

Les sondages prédisent aussi, à nouveau, une division presque à égalité entre indépendan­tistes et partisans de l’Espagne.

Ministres écroués

D’autres inconnues accompagne­nt cette élection atypique: que feront les élus emprisonné­s qui l’emporterai­ent? Et ceux qui sont à Bruxelles et visés par un mandat d’arrêt ?

Le noyau dur indépendan­tiste est en effet éparpillé entre Bruxelles et… une prison près de Madrid.

Huit des treize ministresc­onseillers de l’exécutif régional destitué par le gouverneme­nt espagnol sont écroués après avoir été inculpés notamment pour rébellion, sédition et détourneme­nts de fonds publics.

Carles Puigdemont est également visé par ces poursuites, mais il se trouve en Belgique avec quatre autres membres de son gouverneme­nt, dans l’attente de l’examen par la justice belge d’un mandat d’arrêt internatio­nal lancé par l’Espagne.

M. Puigdemont, qui a assuré s’être « exilé » pour faire connaître sa cause au reste de l’Europe, a déclaré mardi qu’il avait aussi cherché à éviter «une vague de violence» en Catalogne.

Les incarcérat­ions suscitent l’indignatio­n en Catalogne. Pour mercredi, les associatio­ns indépendan­tistes ont appelé à une grève générale, et une grande manifestat­ion est prévue samedi.

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JOHN THYS AGENCE FRANCE-PRESSE Le président catalan déchu a tenu un discours devant quelque 200 maires séparatist­es catalans réunis à Bruxelles pour le soutenir.

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