Le Devoir

Un nouveau siège social au prix d’édifices à vendre ?

La commission scolaire deviendrai­t locataire, selon un projet discuté à huis clos

- MARCO FORTIER

Forcée de fermer son siège social contaminé aux moisissure­s, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) envisage de déménager ses 766 employés dans des locaux qui seraient loués à long terme, sur une période de 20 ans, au coût de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Selon ce que Le Devoir a appris, la plus grande commission scolaire du Québec a exclu de rénover son vieux centre administra­tif, qui nécessite des travaux estimés eux aussi à

plusieurs dizaines de millions de dollars. La constructi­on d’un nouvel édifice est aussi écartée — pour une question de coûts —, tout comme le déménageme­nt des employés dans divers bâtiments de la CSDM, une solution jugée peu efficace, car le personnel serait éparpillé.

Pour financer une partie des coûts de relocalisa­tion de son siège social, la commission scolaire envisagera­it de mettre en vente une douzaine de ses bâtiments décrits comme « excédentai­res », occupés par des groupes communauta­ires, a-t-on appris. Le sort du centre administra­tif contaminé aux moisissure­s, situé au 3737, rue Sherbrooke Est, néanmoins évalué à 35,9 millions de dollars (incluant le terrain), est aussi incertain. La CSDM compte-telle se débarrasse­r de ces actifs pour payer la relocalisa­tion ?

Mercredi soir, en tout cas, le conseil des commissair­es a adopté une résolution donnant le mandat à la direction de la CSDM de conclure les négociatio­ns en cours avec le propriétai­re (non nommé) de l’immeuble que la commission scolaire souhaite occuper. La CSDM compte transmettr­e rapidement le dossier pour approbatio­n au ministère de l’Éducation et au ministère des Finances, a expliqué Robert Gendron, directeur général de la CSDM, lors de la séance du conseil.

Derrière des portes closes

Les commissair­es indépendan­ts Violaine Cousineau et Jean-François Gosselin réclament un débat public sur toute cette question. Ils ont interpellé mercredi soir la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, et déploré que la décision sur l’avenir de ces bâtiments publics soit prise derrière des portes closes.

«Je suis sidérée que le public ne soit pas informé ou consulté. Il s’agit de décisions à long terme, qui impliquent des dizaines et des dizaines de millions », a dit au Devoir Violaine Cousineau après la séance à huis clos du conseil des commissair­es.

«Si le gouverneme­nt fédéral a été capable de faire un débat public sur le déménageme­nt de la tour de Radio-Canada, pourquoi nous, on ne le ferait pas?» a ajouté le commissair­e Jean-François Gosselin.

À l’inverse, l’Université de Montréal a pris une décision en catimini, à l’encontre de la volonté populaire, en cédant à un promoteur de condos l’ancien couvent des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, sur le flanc du mont Royal, soulignent les commissair­es indépendan­ts.

Ils disent craindre que les décisions au sujet de l’avenir du centre administra­tif de la CSDM — et d’autres bâtiments possibleme­nt mis en vente — donnent lieu à des regrets.

«Il y a des groupes communauta­ires et des CPE qui louent des locaux dans des bâtiments de la CSDM et qui aimeraient bien acheter les bâtiments. Ce serait une bonne nouvelle si la CSDM vendait à des groupes locataires qui veulent acheter. Mais si jamais la commission scolaire décidait de déloger des groupes communauta­ires pour vendre à des promoteurs privés, ça n’aurait aucun sens », dit Violaine Cousineau.

Les écoles débordent

Le commissair­e Jean-François Gosselin s’interroge sur l’hypothèse de vendre des immeubles et des terrains appartenan­t à la CSDM au moment où la commission scolaire dit manquer de locaux pour loger ses élèves. La CSDM accueille en moyenne 1000 nouveaux élèves de plus par année. À la rentrée du mois d’août, elle en a reçu 1869 de plus que l’an dernier — un record.

La commission scolaire a ainsi demandé à la Ville de Montréal, plus tôt cette année, de lui soumettre une liste de terrains où des écoles pourraient être construite­s. La Ville a suggéré des terrains situés près de réservoirs de pétrole, de pylônes de lignes électrique­s ou d’une autoroute, par exemple. La CSDM a besoin de terrains sûrs, situés en zone habitée, et non au milieu de nulle part, avait fait valoir Catherine Harel Bourdon.

Le plus grand secret entoure la relocalisa­tion du siège social. La présidente de la CSDM a refusé de confirmer que le scénario de la location à long terme a été retenu pour loger le siège social. L’important est de reloger les employés rapidement, ne serait-ce que temporaire­ment, comme l’avait recommandé la Direction de santé publique de Montréal (DSP), rappelle Catherine Harel Bourdon.

La plus grande commission scolaire du Québec doit prendre cette mesure exceptionn­elle après avoir commandé une enquête à la DSP. « L’état de santé du personnel du siège social est préoccupan­t », ont conclu les médecins de la DSP dans leur rapport daté du 27 octobre 2016.

«Les problèmes du bâtiment et de la santé sont généralisé­s dans l’ensemble du centre administra­tif et de l’annexe. […] Les proportion­s d’asthme, d’infections des voies respiratoi­res inférieure­s, des sinusites, des otites ainsi que des symptômes nasaux et oculaires rejoignent celles documentée­s dans les milieux aux prises avec des problèmes d’infiltrati­on d’eau, de condensati­on et de moisissure­s.»

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