Le Devoir

Une poubelle de 825 millions de tonnes

Québec n’a pas décidé si le BAPE étudiera le projet de la minière, mais on sait déjà que sa réalisatio­n se traduira par la destructio­n de 11 lacs, 15 rivières et 25 ruisseaux

- ALEXANDRE SHIELDS

ArcelorMit­tal compte étendre l’imposant parc de résidus de sa mine de fer du MontWright, près de Fermont. Un projet qui permettra de poursuivre l’exploitati­on de la plus grosse mine à ciel ouvert du Québec jusqu’en 2045, mais aussi de stocker plus de 825 millions de tonnes de résidus. Le gouverneme­nt n’a toutefois pas encore décidé s’il mandatera le BAPE pour étudier le projet, qui nécessiter­a la destructio­n de milieux naturels.

L’entreprise exploite une mine dont les différente­s fosses devraient à terme atteindre une superficie totale de 11,3 kilomètres carrés, selon les données du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). C’est trois fois plus que la superficie qu’aura la mine d’or de Malartic, à la fin de l’expansion de cette dernière. ArcelorMit­tal prévoit aussi de produire 1318 millions de tonnes de résidus miniers sur une période de 30 ans, sois six fois plus que la mine de Malartic.

Pour poursuivre son expansion et éviter la «fermeture définitive de la mine», ArcelorMit­tal doit toutefois agrandir les sites où sont entreposés les résidus de l’exploitati­on, selon ce que précise l’entreprise dans une volumineus­e étude d’impact de 534 pages. Un document qui a mené à la rédaction d’un autre document de 939 pages de réponses aux questions du ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s (MDDELCC).

Le «futur scénario d’entreposag­e des résidus» permettra de stocker 825 millions de tonnes de 2026 à 2045, pour un total de 1318 millions de tonnes entre 2014 et 2045. Pour mener à bien ce projet, l’entreprise souhaite construire par la même occasion deux nouveaux bassins pour «optimiser la gestion de l’eau», dont un bassin d’«eau de procédé» de 3,6km2 et un « bassin de sédimentat­ion » 420 000 m2.

Selon ce qu’indique le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE) dans sa descriptio­n du projet, «le promoteur prévoit de commencer les travaux de constructi­on à l’été 2018 », afin que les infrastruc­tures soient prêtes en 2025. Il s’agit d’un projet majeur, puisque le coût des infrastruc­tures et de la gestion de l’eau jusqu’en 2045 est évalué à 458 millions de dollars.

Destructio­n de lacs

Dans son étude d’impact, ArcelorMit­tal reconnaît aussi que la croissance des quantités de résidus miniers à gérer « causera un empiétemen­t dans certains lacs, les étangs et cours d’eau ». Le BAPE précise que ce projet entraînera «la destructio­n de 11 lacs, 15 étangs et 25 ruisseaux ». À cela s’ajoute une perte d’habitat de 11,2km2 pour la faune terrestre.

« Toutefois, écrit la minière, les milieux touchés sont situés à proximité des surfaces actuelleme­nt utilisées pour l’entreposag­e des résidus de la mine de Mont-Wright ainsi qu’à proximité du site minier du lac Bloom, ce qui en réduit leur qualité. » Qui plus est, un programme de «restaurati­on » est prévu pour compenser la perte de milieux naturels.

Dans les questions soumises à ArcelorMit­tal, le MDDELCC demande par ailleurs des précisions sur les risques de rupture d’une digue de retenue des eaux, en raison de la présence de la route 389, seul lien de Fermont avec le reste du Québec.

«Si un bris de digue devait arriver, les principale­s conséquenc­es possibles sont le lavement ou la fermeture de la route et de la voie ferrée, la perte de la fibre optique, des risques d’isolation du personnel, de noyade de personnel à proximité et des inondation­s », répond la minière, en précisant qu’elle possède déjà un «plan d’urgence». Sa couverture d’assurance est de 25 millions de dollars, ajoute l’entreprise.

Dans des précisions transmises au Devoir mercredi, elle souligne qu’elle applique les « meilleures pratiques» pour la sécurité de son site, mais aussi qu’elle respecte les «normes» pour ce type de constructi­on. Il n’a pas été possible de discuter avec un porte-parole d’ArcelorMit­tal.

Le porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, Ugo Lapointe, estime néanmoins que ce projet d’expansion du parc de résidus nécessiter­ait la tenue d’audiences publiques du BAPE. Selon lui, il faut s’assurer que le site sera «sécuritair­e », mais aussi que les garanties financière­s sont suffisante­s pour la restaurati­on du site.

Au cabinet de la ministre de l’Environnem­ent, Isabelle Melançon, on ne sait toujours pas si le projet sera soumis au processus d’évaluation du BAPE. La période d’informatio­n, au cours de laquelle on peut demander la tenue d’audiences, se termine le 10 novembre. « Le ministère analysera les demandes d’audiences reçues, le cas échéant, et fera une recommanda­tion sur la pertinence de donner un mandat d’enquête et d’audience au BAPE sur le projet», a fait valoir son attachée de presse, Geneviève Benoit.

Newspapers in French

Newspapers from Canada