Le Devoir

Québec imposera la TVQ aux achats en ligne

Le ministre Carlos Leitão tente de convaincre Ottawa de changer son fusil d’épaule

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

Les petits et grands joueurs du numérique n’ayant pas de présence physique au Québec seront assujettis à la taxe de vente du Québec (TVQ) en 2018, a promis Carlos Leitão, qui s’est toutefois abstenu de chiffrer à haute voix les recettes fiscales à anticiper du commerce en ligne.

«C’est beaucoup de sous», s’est-il contenté de dire, sourire aux lèvres, à la presse mercredi.

Le Parti québécois a proposé au gouverneme­nt libéral de tirer vers le bas le taux de taxation des biens et des services d’un montant équivalant au revenu attendu — de 300 à 500 millions, selon différente­s projection­s.

«Plus les revenus d’une personne sont élevés, plus elle est susceptibl­e d’acheter en ligne. Or, avec notre mesure, non seulement

« Si nous ne pouvons en venir à une entente [avec Ottawa], le Québec n’aura d’autre choix que d’agir seul Carlos Leitão, ministre des Finances du Québec

tous les achats sur le Web seraient taxés, mais, en plus, toutes les familles profiterai­ent d’une baisse des taxes sur l’ensemble de leurs transactio­ns, qu’elles soient électroniq­ues ou traditionn­elles », a soutenu le député Nicolas Marceau.

Le ministre des Finances a balayé du revers de la main cette propositio­n. Il compte plutôt réduire l’impôt sur le revenu des particulie­rs. « C’est ça qui est le plus dommageabl­e pour l’économie», a-t-il fait valoir.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a créé la surprise en se rangeant derrière la décision de M. Leitão de forcer les commerçant­s virtuels, à commencer par Netflix, à percevoir la TVQ pourvu que leurs clients soient dédommagés «par une diminution d’impôt, de taxe, de tarifs ailleurs ». Aux yeux de M. Legault, un même produit doit être « taxé de la même façon, [au même niveau, qu’il] soit vendu en ligne ou en magasin ».

Réalités du XXIe siècle

M. Leitão a fait une ultime tentative pour convaincre Ottawa d’«exiger des fournisseu­rs étrangers de services et de biens incorporel­s qu’ils s’inscrivent aux régimes de la TPS/TVH et de la TVQ [taxe de vente du Québec] et qu’ils perçoivent et remettent les taxes». Mardi, il a transmis une lettre à son homologue fédéral, Bill Morneau, dans laquelle il insiste sur la nécessité d’« adapter [les taxes de vente] aux réalités du XXIe siècle». « Si nous ne pouvons en venir à une entente, le Québec n’aura d’autre choix que d’agir seul», a-t-il écrit à moins de six mois du dépôt du Budget du Québec 2018-2019.

«Si jamais le gouverneme­nt fédéral n’est pas prêt à le faire, nous le disons formelleme­nt, avec cette lettre, que nous allons le faire nous-mêmes», a-t-il expliqué dans un impromptu de presse en marge d’une rencontre du groupe parlementa­ire libéral. «Ça peut se faire rapidement. »

À Ottawa, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthill­ier, a indiqué que « le Québec peut aller de l’avant» avec sa «taxe Netflix». Le gouverneme­nt Trudeau, lui, demeurera sur la ligne de touche puisque «les Canadiens [lui] demandent de payer le moins de taxes possible et de diminuer les impôts ».

M. Leitão a instruit Revenu Québec d’établir un régime simplifié d’inscriptio­n pour faciliter la perception et la remise de la TVQ par les fournisseu­rs étrangers de ser vices et de biens incorporel­s — Netflix, par exemple.

Le ministre des Finances dit avoir l’assurance que Netflix se pliera de bonne grâce à toute nouvelle consigne fiscale du gouverneme­nt du Québec. «Si jamais l’entreprise, pour quelque raison que ce soit, dit que nous, on ne va pas le faire, on peut leur envoyer des [avis de] cotisation­s. Mais ce que nous avons comme indication­s de l’entreprise — parce qu’on leur parle déjà aussi —, ils nous disent très honnêtemen­t et très clairement que, eux, ils vont se conformer aux lois du pays», a-t-il conclu.

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