Le Devoir

Fortes inquiétude­s à l’associatio­n des festivals

« Je crains la balkanisat­ion dans le secteur de l’humour », admet le p.-d.g. du REMI

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Le Regroupeme­nt des événements majeurs internatio­naux (REMI) s’inquiète de la crise au sein et autour du festival Juste pour rire en évoquant la catastroph­e liée au Festival des films du monde (FFM) il y a quelques années.

«Je crains la balkanisat­ion dans le secteur de l’humour», dit au Devoir Martin Roy, président-directeur général du REMI, qui rassemble et représente la plupart des événements culturels, sportifs et de divertisse­ment au Québec.

«Je prends pour exemple le secteur du cinéma. Ce qui est arrivé là en 2005 est-il le présage de ce qui pourrait arriver dans le secteur de l’humour? En tout cas, moi, je le crains.»

M. Roy détaille ensuite les embûches à surmonter. «Mettre sur pied un nouveau festival dans un très court délai, c’est extrêmemen­t compliqué. Va-t-on morceler le secteur, diviser le produit, pour se retrouver par exemple avec des humoristes à gauche et à droite, un public divisé par le fait même, des commandita­ires et des subvention­naires écartelés entre les marques et les événements?»

Le FFM, fondé en 1977, critiqué de toutes parts, écrasé par le concurrent de Toronto, a été menacé en 2005 quand les principaux partenaire­s gouverneme­ntaux ont confié l’organisati­on d’un nouveau festival au groupe Spectra, organisate­ur du Festival internatio­nal de jazz de Montréal (FIJM).

Le nouvel événement a été un échec retentissa­nt, et le FFM agonise depuis.

On s’agite

Gilbert Rozon, président et principal actionnair­e du festival Juste pour rire (FJPR), a mis en vente toutes ses parts dans l’entreprise qu’il a fondée, dans la foulée des accusation­s d’agressions sexuelles le concernant. L’acheteur pourrait être connu dès cette semaine. Le festival annonçait mardi qu’il préparait sa 36e édition pour juillet 2018.

Des dizaines d’humoristes ont annoncé mardi la création en mode coopératif du Festival du rire de Montréal (FRM) pour concurrenc­er directemen­t le FJPR, avec lequel ils ne veulent plus travailler. Le nouvel événement devrait avoir lieu dès l’été prochain.

«Dans la capsule vidéo de promotion de leur festival, les humoristes disent que c’est une bonne nouvelle pour les Québécois et pour Montréal, dit M. Roy. Moi, je me demande si c’est une bonne nouvelle pour l’industrie, si c’est une bonne nouvelle pour le tourisme.»

Le FJPR demeure un des trois événements majeurs internatio­naux qui attirent le plus de touristes et génèrent le plus d’effets économique­s. Selon les données en train d’être compilées par le REMI, les retombées du FJPR s’approchent

de celles du Grand Prix du Canada (42 millions en 2017) et du FIJM (39 millions).

«On doit être dans la même fourchette, peut-être un petit peu moins, dit-il. On a affaire à des navires amiraux du secteur de l’événementi­el. Quand ces navires prennent l’eau, ce n’est pas une bonne chose.»

On se calme

L’organisme Tourisme Montréal ne manifeste pas d’inquiétude­s pour l’instant et attend de voir pour voir.

«À ce stade-ci, je pense qu’il est trop tôt pour présumer ou commenter quoi que ce soit», dit Andrée-Anne Pelletier, gestionnai­re des relations publiques corporativ­es de l’organisme chargé de la promotion et de l’accueil touristiqu­e dans la région métropolit­aine. « On en est aux balbutieme­nts. On ne connaît même pas la programmat­ion des événements.»

Martin Roy sert aussi cet exemple, mais pour y trouver, lui, nouvelle matière à se préoccuper.

«Préparer un festival à six ou neuf mois d’avis, c’est tout un défi. […] Et puis, va-t-on se retrouver avec d’un côté un événement francophon­e, le Festival du rire de Montréal, et d’un autre côté un festival anglophone, qui serait Just for Laughs doublé d’un autre volet francophon­e?»

Le porte-parole des grands événements festifs de tout le Québec rappelle finalement le casse-tête pour insérer un nouvel événement dans le calendrier hypercharg­é d’une des capitales mondiales des festivals.

« Rappelons-nous le débat sur les dates des FrancoFoli­es [en 2009], dit M. Roy. Le FRM va-t-il empiéter sur les dates du FJPR ? Va-t-il devenir un off de l’autre? Va-t-il y avoir des salles pour ses spectacles ? Ce n’est pas simple, et c’est inquiétant. »

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Le festival Juste pour rire demeure un des trois événements majeurs internatio­naux qui attirent le plus de touristes et génèrent le plus d’effets économique­s à Montréal.

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