Le Devoir

La Catalogne au ralenti sous la pression des manifestan­ts indépendan­tistes

Le sort de l’ex-président catalan réfugié à Bruxelles provoque des remous en Belgique

- ANNE-LAURE MONDESERT ALFONS LUNA à Barcelone

Des milliers de passagers et des centaines de camions, en particulie­r en partance vers la France, étaient bloqués mercredi soir en Catalogne par des piquets de grève indépendan­tistes, déclenchés afin de protester contre l’incarcérat­ion de dirigeants séparatist­es.

Commerces et entreprise­s n’ont en revanche pas été affectés par cet appel à la grève.

Pendant ce temps, la présence à Bruxelles depuis dix jours du président catalan destitué par Madrid, Carles Puigdemont, a encore provoqué des remous, mettant dans l’embarras le gouverneme­nt de Charles Michel.

En Catalogne, dès le petit matin, les indépendan­tistes répondant à l’appel à la grève d’une confédérat­ion syndicale et d’associatio­ns séparatist­es ont bloqué des routes, des gares, des sites touristiqu­es aux cris de «Liberté! Liberté!».

Grand axe bloqué

Les manifestan­ts ont notamment bloqué le grand axe reliant la Catalogne à la France, l’autoroute AP-7, par où transite une grande partie des exportatio­ns espagnoles vers l’Europe — près de 9000 camions par jour.

Les files d’attente se sont étendues sur six kilomètres sur l’AP-7, dans la province de Gérone, au nord de Barcelone.

Les blocages par endroits bon enfant — certains installant même des tables pour jouer aux échecs — ont aussi provoqué des tensions entre usagers et grévistes.

Les perturbati­ons ont particuliè­rement touché les trains à grande vitesse reliant Barcelone à la France, huit par jour, soit des milliers de personnes, interrompa­nt la circulatio­n vers Marseille, Lyon, Paris, selon la compagnie ferroviair­e Renfe.

Au total, 150 000 passagers, dont 10 000 de trains à grande vitesse, ont été affectés par des annulation­s ou retards.

À Barcelone, la basilique Sagrada Familia, devant laquelle des dizaines de grévistes campaient à la mi-journée, a été fermée pendant plusieurs heures.

Mais à la différence de la grève générale du 3 octobre, la majorité des commerces et entreprise­s de Barcelone et sa région ont fonctionné normalemen­t. Les deux principaux syndicats espagnols, CCOO et UGT, n’avaient cette fois pas appelé à la grève.

Le ministère de l’Intérieur a qualifié la participat­ion de « minimale », sauf dans le milieu de l’enseigneme­nt, où elle était suivie par environ 30% des enseignant­s.

Déclaratio­n d’indépendan­ce annulée

À Madrid, sur le front judiciaire, la Cour constituti­onnelle a annulé la déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce votée le 27 octobre par le Parlement catalan.

Après cette déclaratio­n, le gouverneme­nt avait mis la région sous tutelle, dissous le Parlement et destitué l’exécutif régional, convoquant des élections régionales le 21 décembre.

Carles Puigdemont, poursuivi par la justice espagnole pour rébellion et sédition, a quitté le pays pour la Belgique, où la justice examine

«La

crise se situe en Espagne et pas en Belgique Le premier ministre belge, Charles Michel

un mandat d’arrêt européen à la demande de l’Espagne.

Quatre membres de son gouverneme­nt destitué l’ont accompagné dans son exil belge, huit autres ont choisi de répondre à une convocatio­n judiciaire et ont été placés en détention provisoire après leur inculpatio­n.

Les grévistes réclament leur libération, estimant que ce sont des « prisonnier­s politiques ».

En Belgique, le sort de Carles Puigdemont a aussi suscité des débats et l’embarras du gouverneme­nt de Charles Michel, comptant des nationalis­tes flamands sensibles aux arguments des indépendan­tistes catalans.

«La crise se situe en Espagne et pas en Belgique», a répondu le premier ministre aux députés.

Il a cependant réaffirmé que le gouverneme­nt espagnol était son seul interlocut­eur. Mariano Rajoy l’en a publiqueme­nt remercié sur Twitter, assurant partager avec lui le «respect pour l’État de droit et donc pour l’indépendan­ce des juges belges et espagnols».

Lors des dernières élections régionales en 2015, les partis indépendan­tistes avaient obtenu 47,8% des suffrages et 72 sièges sur 135 au Parlement régional.

Dans une interview à la télévision publique flamande VRT diffusée dans la soirée, Carles Puigdemont s’est à nouveau dit disposé à diriger « un grand rassemblem­ent de différente­s sensibilit­és » indépendan­tistes, estimant qu’il «y avait d’autres solutions » à la liste commune rejetée par ses anciens alliés de la Gauche républicai­ne de Catalogne (ERC).

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LLUIS GENE AGENCE FRANCE-PRESSE Des manifestan­ts séparatist­es se sont donné rendez-vous mercredi devant le palais de la Généralité, siège de l’exécutif catalan destitué.

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